Jouisseur puni par la déesse Athéna, Tirésias a été transformé en femme (voir chronique du premier tome). Se faisant passer pour sa sœur Thya, inventée pour la circonstance, il/elle va peu à peu s'adapter à sa nouvelle condition avant de l'apprécier. Découvrant le versant féminin de l'amour puis le plaisir inégalé de la maternité, Thya sera une femme aussi digne et comblée que Tirésias fut un homme méprisable et insatiable. Mais Athéna n'a pas oublié sa promesse. Thya doit redevenir Tirésias en se sacrifiant pour l'être qui lui est le plus cher. Si le parcours initiatique de Tirésias l'a mené vers une rédemption transitoire – et une nouvelle faute, cette fois aux yeux de Zeus lui-même – , son destin se poursuivra vers une nouvelle métamorphose : il sera désormais le voyant aveugle dont la mythologie grecque a gardé le souvenir...
Transsexuel malgré lui, Tirésias n'est pas un simple travesti. Expérimentant dans sa chair les deux aspects de l'humanité, il est le premier surpris de trouver dans la féminité l'accomplissement que sa vie d'homme n'a pu lui procurer, malgré toute la superbe vanité dont il faisait preuve 1. La comparaison des deux couvertures suffit à ressentir le contraste. La fresque devant laquelle pose Thya suggère une autre réflexion : les hommes rechercheraient-ils dans la guerre et le pouvoir un palliatif à cette émotion que seules les femmes peuvent connaître ?
Tirésias est une fable malicieuse et intelligente, où les questions du sexe et de l'amour sont traités de manière franche et naturelle, sans tomber dans le scabreux. Sur fond de guerre entre Thèbes et Orchomène, le récit s'enrichit d'une très belle reconstitution historique qui porte autant sur l'ambiance des lieux et l'âme d'un peuple que sur les faits eux-mêmes – ces faits étant essentiellement mythologiques. L'album nous plonge ainsi dans l'atmosphère d'une Grèce antique chaleureuse, admirablement illustrée par Rossi, dont le dessin élégant, lumineux et rayonnant paraît gorgé de soleil.
La Révélation est donc un album tout aussi réussi que le premier, un ouvrage d'exception pour conter un destin exceptionnel.
Notes :
1. Rude constat pour nous autres mâles ! Espérons qu'il ne s'agit que d'une fiction !
Pascal Patoz nooSFere 03/12/2001
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