BÉLIAL'
(Saint-Mammès, France) Date de parution : 19 septembre 2019 Dépôt légal : septembre 2019, Achevé d'imprimer : septembre 2019 Première édition Roman, 320 pages, catégorie / prix : 19,90 € ISBN : 978-2-84344-956-7 Format : 14,0 x 20,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
Existe aussi en numérique, aux formats ePub (ISBN : 978-2-84344-888-1) et PDF (ISBN : 978-2-84344-887-4), au prix de 9,99 €.
Sylvester Staline, citoyen X23T800S13E616, tourne des cubes colorés. Un boulot qui en vaut bien un autre, au fond, et qui a ses avantages. Son compte en banque affiche un solde créditeur de 4632 unités. Et si son temps de loisirs mensuel est débiteur de huit heures, son temps d’amitié restant à acheter est dans le vert. Sans même parler de son temps d’amour : plus de quarante-trois heures ! Une petite anomalie, c’est sûr ; il va falloir qu’il envisage de dépenser quelques heures de sexe… Mais de là à ce qu’un algorithme du bonheur intervienne ? Merde ! À moins que cela ait à voir avec cette curieuse habitude qu’il a de se suicider tous les soirs ? Il n’y a jamais trop songé, à vrai dire… Sylvester ne le sait pas encore, mais il pourrait bien être le grain de sable, le V de la vendetta dans l’horlogerie sociale du monde et ses dizaines de milliards d’entités. D’ailleurs, les algorithmes Bouddha et Jésus veillent déjà sur lui…
Avocat au barreau de Paris, culturiste et nihiliste, Jean Baret est un prophète, une voix sans pareille dans le concert de l’anticipation sociale, quelque part entre Chuck Palahniuk, Philip K. Dick et Warren Ellis. Bonheur™, paru en 2018 aux éditions du Bélial’, finaliste au Grand Prix de l’Imaginaire et au Prix Utopiales 2019, a été salué par le Huffington Post comme un « violent cri d’alerte, entre cyberpunk et satire politique ». Vie™, son nouveau roman, deuxième opus du projet « Trademark », offre la vision d’un futur dont l’esquisse gît dans les entrailles d’un présent déliquescent. Un livre éminemment politique. Une nécessité.
« Les dieux sont morts, il ne reste que des produits…
Jean Baret signe la dystopie que notre époque attendait. »
Dany-Robert Dufour
1 - Olivier GIRARD, Un mot de l'éditeur, pages 11 à 11, préface
Critiques
Bonheur™ avait marqué l’arrivée tonitruante de Jean Baret en SF (cf. Bifrost 93). Ce roman sans concession passait au vitriol notre société de consommation en imaginant un futur pas si éloigné où l’identité même des personnes s’effaçait derrière les marques, où la violence ne choquait plus personne ; en outre, l’ouvrage adoptait une forme extrêmement répétitive, comme le matraquage le plus insupportable des publicités modernes – la forme au service du fond, en somme. Récit clivant par essence, Bonheur™ constituait aussi le premier tome de la « Trilogie Trademark », dont Vie™ constitue le deuxième volume, quand bien même les romans peuvent se lire indépendamment.
Le citoyen X23T800S13E616, alias Sylvester Staline, se réveille tous les jours dans son Ted™, bain de liquide nourricier. Il enfile sesAugEyez™ et ses AugEars™, et redécouvre les meubles creative commons de son environnement. Il peut alors vaquer à son travail, à savoir tourner des cubes multicolores sans que l’on comprenne à quoi cela sert. Quand il s’arrête, il peut utiliser ses temps de loisirs, d’amitié, et d’amour, qui comptabilisent toutes ses occupations. À savoir faire l’amour avec quantité d’autres personnes par l’entremise de prothèses sexuelles, discuter avec ses amis qui lui facturent leur intervention 200 crédits de l’heure, regarder des infomercials… Mais tout cela virtuellement, à base de « clic clic », car Sylvester, comme tous ses congénères, ne bouge pas de chez lui. Pour l’aider dans ses tâches, et plus globalement son existence entière, il lui suffit de se détendre et de faire confiance aux algorithmes qui ont pris sa vie en mains. Pratique ? Oui, mais…
Le titre de travail du présent roman était Algopolis, et on comprend bien pourquoi : ce roman tourne entièrement autour du concept d’algorithme. La société décrite ici par Baret, et qui n’est pas sans rappeler certains épisodes de Black Mirror, la série britannique de Charlie Brooker, ne fonctionne que sur leur efficacité : pour chaque tâche quotidienne, il existe un algorithme. Vous n’êtes pas en forme ? Un algorithme le détecte et fait appel à un autre pour vous administrer le traitement adéquat. Vous cherchez un nouveau jeu érotique pour pimenter vos soirées ? Un algorithme analyse vos pratiques habituelles, vos interactions avec vos proches amis, et vous suggère tel modèle de ButtPlug™ ou PumPénis™. Vous possédez une arme sans port d’arme ? Un algorithme le détecte. Des algorithmes. Partout. Ad nauseam. Pourtant, les citoyens s’en satisfont. Car toute volonté a été annihilée, tout idéal éradiqué. La vie n’a plus aucun sens. Ou plutôt, « le seul sens est de vivre et se reproduire ». Sylvester, pas tout à fait câblé comme les autres – il se tire une balle dans la tête à chaque fin de journée, car il sait que son corps sera regénéré par Ted™ — va ainsi peu à peu prendre conscience de ce néant. Et opter pour une solution radicale. Car Jean Baret, faut-il le rappeler, est nihiliste, et ce roman en est la preuve la plus évidente. Sylvester se dépouille ainsi peu à peu de toutes ses barrières, de toutes ses croyances religieuses, politiques ou philosophiques, déracinant ce Dieu qu’il n’a finalement jamais connu, remplacé par les algorithmes depuis belle lurette. Et, quitte à ce que le monde n’ait plus vraiment de substance, pourquoi ne pas pousser la logique à l’extrême, basculer dans le néant le plus total, d’autant qu’on a déjà parcouru une bonne partie du chemin. En effet, c’est encore et toujours du présent que nous parle Baret, où le citoyen se résume de plus en plus à des chiffres dans une méga-base de données, où nos habitudes sont traquées de façon à toujours nous proposer la même chose, nous privant peu à peu de liberté tout en nous en donnant un ersatz. Pour nous ouvrir les yeux sur les dangers liés à l’évolution de la société (à moins qu’il ne s’agisse d’une réelle opportunité ? le nihilisme s’accorde bien de certaines formes de résignation), il suffisait que quelqu’un pousse l’extrapolation un peu plus loin ; Jean Baret s’en est chargé.
La forme de Vie™ reprend celle de Bonheur™, à savoir quelque chose de très répétitif, d’une extrême violence, outré dans sa provocation. Une lecture qui marque encore durablement le lecteur. En attendant que Mort™ vienne conclure la série dans quelques mois. Tout un programme…