2137. La Terre a essuyé une méchante crise climatique au xxie siècle. L’humanité a pris cher, des milliards de victimes, mais elle s’est relevée et réorganisée géopolitiquement grâce à un pacte des nations qui a mis un terme aux conflits. Pourtant, scientifiquement, elle a atteint ses limites. Le théorème de Tao a douché l’espoir d’un progrès infini et introduit un plafond. Les ordinateurs quantiques resteront bêtes, l’intelligence artificielle ne sera pas, pas plus que le téléportation ou les voyages interstellaires à des vitesses s’approchant de celle de la lumière. Une alternative a toutefois été trouvée par la création de micro-trous de ver permettant d’explorer les plis de l’espace. Ce sont des sauts au hasard, effectués par des vaisseaux appelés Orcas, à des distances faramineuses, sans carte ni boussole. L’aventure spatiale se poursuit donc, notamment à la recherche d’antimatière, qui, si elle était découverte en quantité, serait à même de provoquer un sursaut technologique que plus personne n’espère. Après 40 ans d’exploration sans incident, ni découverte notable, le vaisseau Orca-7131 ouvre un trou de ver et disparait, laissant derrière lui, dans le Système solaire, un micro trou noir qu’il aurait dû refermer. Une mission de sauvetage est envoyée pour retrouver l’équipage et refermer la singularité qui, à terme, pourrait menacer la Terre. La Tragédie de l’orque, premier volume d’une trilogie annoncée, est le récit de ce sauvetage et de découvertes faites dans un lointain secteur de l’univers.
Il s’agit du huitième roman de Pierre Raufast, le troisième publié aux Forges de Vulcain après Les Embrouillaminis (2021) et Habemus piratam (réédition, 2022). Si, dans ces deux derniers, l’auteur diplômé de l’école des Mines avait choisi des formes narratives plus osées, il livre ici un récit linéaire et relativement classique, mais opte pour une hard SF de tradition clarkienne et l’aventure spatiale. Frustrant car incomplet, puisqu’il ne s’agit que d’un premier volume se terminant sur un inévitable cliffhanger, le roman souffre aussi de maints petits défauts. On reprochera à l’auteur d’en faire trop et d’étaler sa science, parfois maladroitement. On lui reprochera aussi de grosses ficelles scénaristiques et des personnages caricaturaux. Mais on lui reprochera surtout de ne pas en avoir fait plus ! Car on se laisse emporter par l’histoire et les voyantes ficelles sont souvent des pièges tendus au lecteur, tout comme les personnages auquel il prend soin de donner une histoire et donc une raison. Rien n’est jamais tout à fait ce qu’il semble. Pierre Raufast varie les points de vue depuis la Terre et depuis l’espace, et aborde de nombreuses thématiques contemporaines sur la vie de famille, les algorithmes intrusifs, la manipulation des opinions, ouvrant ainsi de multiples possibilités qu’il développera sans doute, on le souhaite, dans les tomes à venir. En posant les bases d’un univers et en tressant les tensions qui l’animent, ce premier volume prépare ses suites. Nous les lirons avec intérêt.
FEYDRAUTHA
Première parution : 1/4/2023 dans Bifrost 110
Mise en ligne le : 9/9/2025