La damnation au quotidie, l'horreur au goutte à goutte...
Il suffit parfois d'une simple rage de dents pour s'enfoncer insensiblement dans un cauchemar sans issue et pour voir la réalité se diluer, s'effilocher.
Où que vous alliez, vous êtes perdu. D'un côté, un univers bureaucratique, absurde, sans espoir. De l'autre, la superstition et le retour à la barbarie. Et partout les mêmes préjugés aveugles, la même cruauté inconsciente, la même momification des sentiments.
Regardez bien autour de vous : vous êtes en enfer... vous ne l'avez jamais quitté !
Née en 1919 à San Francisco, s'autoproclamant sorcière, auteur de « Nous avons toujours habité le château » et de « Maison hantée », « meilleur roman fantastique de ces cent dernières années » selon Stephen King, Shirley Jackson est considérée avant tout dans les pays de langue anglaise comme l'une des plus grandes nouvellistes contemporaines. Le présent recueil montre que cette réputation n'est pas usurpée.
1 - La Dent (The Tooth, 1948), pages 10 à 36, nouvelle, trad. Dominique MOLS 2 - L'Amant diabolique (The Daemon Lover / The Phantom Lover, 1949), pages 37 à 60, nouvelle, trad. Dominique MOLS 3 - The Villager (The Villager, 1944), pages 61 à 69, nouvelle, trad. Dominique MOLS 4 - Charles (Charles, 1948), pages 70 à 77, nouvelle, trad. Dominique MOLS 5 - Ma vie chez R.H. Macy (My Life with R.H. Macy, 1949), pages 78 à 82, nouvelle, trad. Dominique MOLS 6 - Le Sorcier (The Witch, 1949), pages 83 à 88, nouvelle, trad. Dominique MOLS 7 - Sept types d'ambiguité (Seven Types of Ambiguity, 1943), pages 89 à 99, nouvelle, trad. Dominique MOLS 8 - Les Renégats (The Renegade, 1948), pages 100 à 118, nouvelle, trad. Dominique MOLS 9 - Ebriété (The Intoxicated, 1949), pages 119 à 125, nouvelle, trad. Dominique MOLS 10 - Statue de sel (Pillar of Salt, 1948), pages 126 à 149, nouvelle, trad. Dominique MOLS 11 - Colloque (Colloquy, 1944), pages 150 à 153, nouvelle, trad. Dominique MOLS 12 - Le Pantin (The Dummy, 1949), pages 154 à 164, nouvelle, trad. Dominique MOLS 13 - Combat judiciaire (Trial by Combat, 1944), pages 165 à 172, nouvelle, trad. Dominique MOLS 14 - Bien sûr (Of Course, 1949), pages 173 à 180, nouvelle, trad. Dominique MOLS 15 - Les Hommes avec leurs grosses chaussures ! (Men with Their Big Shoes, 1947), pages 181 à 193, nouvelle, trad. Dominique MOLS 16 - La Lettre de Jimmy (Got a Letter from Jimmy, 1949), pages 194 à 197, nouvelle, trad. Dominique MOLS 17 - Comme ma Mère les faisait (Like Mother Used to Make, 1949), pages 198 à 212, nouvelle, trad. Dominique MOLS 18 - Jardin fleuri (Flower Garden, 1949), pages 213 à 250, nouvelle, trad. Dominique MOLS 19 - Venez en Irlande danser avec moi (Come Dance With Me in Ireland, 1943), pages 251 à 259, nouvelle, trad. Dominique MOLS 20 - La Loterie (The Lottery, 1948), pages 260 à 274, nouvelle, trad. Dominique MOLS
Sous le titre La loterie,la seconde collection (à couverture noire, ici agrémentée d'un fragment d'une toile de Jérôme Bosch) nous offre un gros recueil d'une vingtaine de nouvelles de Shirley Jackson ; c est le deuxième titre des « Grands Contes Fantastiques », qui vient après Les écarlates de Carl Jacobi (voir Fiction n° 311 ). C'est une très bonne initiative que de présenter ainsi des compilations de nouvelles d'auteurs fantastiques peu connus du grand public. Et une initiative encore meilleure de mettre au menu Shirley Jackson, Américaine née en 1919 et morte en 1965, dont la parenté avec une autre de ses inquiétantes consœurs, Patricia Highsmith, est certaine, et que nous connaissons ici par un bon, et un excellent romans fantastiques : Maison hantée (qui inspira le célèbre film de Robert Wise, La maison du diable) et Nous avons toujours habité le château — tous deux disponibles au « Masque Fantastique ».
Les nouvelles de Shirley Jackson sont incontestablement ce qu'on appelle des « nouvelles d'ambiance », où le fantastique ne se matérialise jamais, restant tapi dans les méandres des esprits. On peut dire aussi que ce sont des textes psychotiques, des textes de folie, où les personnages (souvent des femmes très ordinaires) sont peu à peu envahis par la Ville, à travers l'une quelconque de ses manifestations : la maladie, un bruit, des voisins trop encombrants, etc.
L'ennui, c'est qu'à trop vouloir rester dans le sobre, dans l'inabouti, dans l'effleurement, dans le récit sans chute ou à contre-chute, Jackson, à la longue, ne tient pas la distance, et on pourrait lui reprocher de tomber dans le piège de la description de l'ennui qui ennuie, ou de l'insignifiance qui reste insignifiante. Et les comparaisons qui nous viennent à l'esprit — Highsmith bien sûr, dans ses textes deLe rat de Veniseou deL'Epouvantail 1, Thomas Disch avecRives de mort 2 — ou encore Diana Ramsay avec son romanApproche des ténèbres 3 — ne sont guère favorables à Shirley Jackson.
Heureusement, là encore, quelques très beaux textes sortent du lot. Citons La dent(prototype de dix ou quinze récits semblables sur le basculement insidieux dans l'égarement mais qui, peut-être parce qu'il est le plus long et qu'il se trouve placé en tête de volume, prend un relief particulier), Comme ma mère les faisait(une substitution d'identité qui fait songer à Richard Matheson) ou Le jardin fleuri,à mon avis le plus beau texte du recueil, sur le racisme quotidien dans une petite ville du sud.
La, à travers des situations fortes, l'auteur réussit à captiver. Mais sans doute est-elle plus à l'aise dans le roman, où l'angoisse à le temps de tisser sa toile...
Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)Lottery (The)
, 1969, Larry Yust (d'après le texte : La Loterie) Lottery (The)
, 1996, Daniel Sackheim (d'après le texte : La Loterie), (Téléfilm)