L'ATALANTE
(Nantes, France), coll. La Dentelle du Cygne Date de parution : 17 février 2022 Dépôt légal : février 2022 Première édition Roman, 480 pages, catégorie / prix : 27,90 € ISBN : 979-10-360-0104-8 Format : 14,5 x 20,0 cm❌ Genre : Imaginaire
Le Caire, 1912. Vêtue d’un complet trois pièces – un ensemble blanc du plus bel effet sur sa peau cuivrée –, Fatma lisse sa cravate couleur d’or en veillant à exhiber les boutons de manchette scintillant aux poignets de sa chemise bleu nuit. Puis elle pose son chapeau melon sur sa courte crinière bouclée.
Oui, Fatma el-Sha’arawi est une redoutable sapeuse. C’est aussi une énergique et compétente enquêtrice du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. Et la voici en charge de l’assassinat collectif de la Fraternité d’al-Jahiz par un inconnu qui se prétend… al-Jahiz lui-même, le puissant mystique qui a ouvert la porte de l’Égypte à la magie et aux djinns cinquante ans plus tôt.
Imposture ? Ça ne fait aucun doute pour Fatma. Mais encore faut-il identifier et traquer ce mystérieux terroriste que des pouvoirs inouïs rendent, semble-t-il, invulnérable. Une enquête à tiroirs à l’issue de quoi on dirait bien que notre héroïne devra encore sauver le monde.
Avec Maître des Djinns, Phenderson Djèlí Clark signe son premier roman et nous entraîne au cœur d’une Égypte uchronique flamboyante.
Critiques
Visiblement, l’Atalante croit fort en P. Djèli Clark. Maître des Djinns est déjà le quatrième titre de l’auteur publié en moins d’un an, et pour fêter la sortie de ce premier véritable roman, le lecteur pourra en outre choisir entre l’édition classique et, pour deux euros de plus, une version collector joliment cartonnée.
Ce nouveau texte se situe dans le même univers de fantasy uchronique que la nouvelle «L’Étrange Affaire du djinn du Caire » et la novella Le Mystère du tramway hanté, cette Égypte du début du xx e siècle que l’irruption de la magie et de ses créatures mythiques a propulsé sur la voie de l’industrialisation pour faire d’elle l’une des puissances majeures du globe. Il n’est peut-être pas nécessaire de les avoir lus avant d’entamer Maître des Djinns, mais il s’agit tout de même d’un plus, certains éléments de ces investigations étant évoqués au cours du récit. On retrouve donc l’héroïne fétiche de l’auteur, Fatma el Sha’arawi, agente du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, chargée cette fois d’enquêter sur le meurtre aux forts relents de magie d’un lord anglais haut placé et de tous les membres de la Fraternité qu’il présidait. Un crime qui l’amène à s’intéresser à la figure historique d’al-Jahiz, l’homme qui trente ans plus tôt fut à l’origine du bouleversement qu’a connu le pays, et qui semble aujourd’hui revenu d’entre les morts.
On retrouve dans Maître des Djinns les mêmes qualités et — dans une moindre mesure – les mêmes défauts que dans le reste de l’œuvre de P. Djèli Clark. Le romancier s’appuie sur un casting principalement féminin formidablement campé, qui évolue dans une ville du Caire imaginaire rendue à la perfection, riche de saveurs, de senteurs, de couleurs, et nourrie d’une mythologie et d’une culture forcément exotiques et originales pour un lecteur occidental. Si l’action est omniprésente – et souvent spectaculaire –, cela n’empêche pas l’auteur d’aborder différents thèmes récurrents dans son œuvre : racisme, sexisme, inégalités sociales, etc. Autant de sujets qu’on retrouve en filigrane tout au long du récit, même s’ils n’en constituent jamais le cœur, ce qu’il est permis de regretter. Surtout, reste la faiblesse majeure du romancier : l’intrigue qu’il construit, linéaire au possible, et dont le dynamisme repose sur des rebondissements et des retournements de situation qu’on voit trop souvent venir de très, très loin. De ce point de vue, P. Djèli Clark a encore des progrès à faire. Reste qu’en l’état, Maître des Djinns est un roman éminemment plaisant à lire, et cette version du Caire une ville de fiction qu’on est à chaque fois heureux de retrouver.