Gauthier de Flandres et Osarias sont dans les profondeurs de la cité de Samarande, à la recherche du AA, le monstre à la nature démoniaque. Alors qu'ils vont succomber sous le nombre de morts-vivants contaminés par le monstre, une voix forte les arrête. C'est celle de Nakash, qui est lui-même devenu un esclave. Il réclame une mort digne que Gauthier lui accorde. Saladin et Syria d'Arcos, le sultan et la prisonnière rachetée se rencontrent et échangent. Robert de Tarente, accompagné de sa maîtresse, tente de rallier sous sa bannière tous les chefs croisés en se réclamant d'une légitimité divine. Un moine s'oppose à lui. Aux yeux de ce dernier, seul le jugement de Dieu pourra lui donner cette légitimité, lui qui est maudit par son contact avec le Qua'dj. Et tous recherchent le miroir des âmes, le fameux miroir donné par La Lumière des Juste, où seules des âmes pures peuvent se regarder. Pendant ce temps, le Maître des Machines ourdit ses plans et avance ses pions...
Jean Dufaux se livre à un grand numéro de virtuose, jouant avec un brio exceptionnel entre symbolisme, mysticisme, humanité et soif de pouvoir. Avec cette série, il brosse une épopée épique où il oppose la Croix et le Croissant pour mieux les conjuguer. Il mêle malédiction et satanisme dans un maelström de sentiments où la part charnelle, sensuelle, reste prépondérante. Il reprend des légendes de l'Orient et les confronte à la culture de l'Occident. Il livre enfin quelques clés permettant de mieux comprendre les liens entre les protagonistes et les interactions des événements. Il jongle avec l'ombre et la lumière, déclinant en un jeu subtil, toutes les symboliques se rattachant à ces états.
Philippe Xavier, qui a oeuvré de nombreuses années à la réalisation de comics, en a gardé le rythme. Il maîtrise le jeu des muscles forgés par le maniement des armes, la représentation des chairs, qu'elles soient vivantes et douces, comme celles des héroïnes, ou qu'elles soient déjà nécrosées par la mort ou l'appartenance au AA. Cependant, il use des techniques du comics avec modération. Cela donne un résultat remarquable. S'il excelle avec les corps, que dire des décors ? Jean Dufaux, sait qu'il peut compter sur un relais efficace de ses visions et ne s'en prive pas. Il donne à son histoire un souffle, une ampleur parfaitement relayée par l'ensemble du graphisme.
Ce travail perdrait beaucoup de son attrait sans la magie de la couleur, sans la « patte » d'un Jean-Jacques Chagnaud qui sait restituer la chaleur des chairs sous le soleil, la lumière et l'atmosphère envoûtante des pays d'Orient, la qualité de l'ombre et de l'obscurité.
Croisade, un thriller historico-fantastique de la plus belle facture, par un trio de choc au sommet de son art.
Serge Perraud nooSFere 29/05/2009
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