Succubes est une série qui, pour Thomas Mosdi, son créateur, se composera d'un récit complet par tome, mêlant, à une époque clé de l'histoire de l'humanité, la grande Histoire et l'ésotérisme. La vedette en est La Femme et sa lutte pour retrouver l'égalité, une égalité usurpée par les hommes. L'auteur fait débuter son premier récit avec les souvenirs de Camilla. Nous sommes en 1794, mais elle revoit, dans des temps anciens, Mehousekhé, une jeune vestale d'Isis qui se retrouve sous le pouvoir d'un prêtre. Plus proche, elle repense à Olympe de Gouges et à Marion Roland, deux femmes exceptionnelles qui viennent d'être guillotinées. Elle attend Maximilien de Robespierre qui impose à la Convention et à la nation une poigne de fer. « L'incorruptible », que l'on n'a jamais vu s'afficher avec une femme, passe dans les bras de Camilla des nuits torrides. Cependant, il ignore tout de cette égérie qui le guide et le conseille. Elle est surveillée par des membres de l'ordre des frères d'Adam. L'un d'eux, Manakel, est certain qu'elle appartient aux Filles de Lilith, une confrérie qu'ils combattent depuis des siècles. Les Filles de Lilith servent Isis et veulent faire naître un monde nouveau. Robespierre adhère à leurs théories et, lors de la journée de L'Être Suprême, dévoile une statue de la déesse. Or, ces positions agacent des opposants historiques tels que Barras, Tallien...
Lilith, d'après la légende est la première femme, faite avec la même argile qu'Adam. Elle est donc son égale et non sa servante, comme Eve, la seconde épouse née d'une côte de l'homme. Après le matriarcat des premiers temps, l'homme s'est imposé et a fait de la femme son inférieure. Depuis, Lilith tente de retrouver cette égalité, cette parité avec l'homme. Après bien des avatars, elle est devenue la reine des succubes, des démons qui prennent des formes féminines pour mieux séduire les hommes, dans leurs rêves, pendant leur sommeil. Thomas Mesdi veut-il montrer le rôle des femmes dans l'histoire, rôle important, souvent ignoré volontairement, ou non, par les hommes qui ont écrit, réécrit, voire réinventé l'histoire ? Il mêle également le pouvoir religieux de Rome qui a beaucoup contribué à faire de la femme une créature de peu d'importance, un être impur, voire indigne. Avec une matière première de choix, Thomas Mesdi signe une intrigue dense, complexe qui semble un peu confuse car elle demande à revenir souvent pour se repositionner dans l'histoire. Mais le récit, rythmé, se laisse suivre avec plaisir.
Laurent Paturaud a déjà signé les trois tomes de Les Passants du clair de lune (Glénat) et une nouvelle dans Les Contes de L'Ankou (Soleil). Il revient avec un dessin mûri, très réaliste et d'une grande élégance. Il excelle dans la représentation des visages, des décors et des corps féminins. Il exalte la beauté féminine, lui rendant, à travers ces succubes un véritable hommage. Sa colorisation n'est pas en reste et donne à l'ensemble une tonalité remarquable.
Un premier tome de mise en place qui, malgré le travail graphique, a du mal à convaincre. Il faut cependant attendre la suite avant de « jeter le bébé avec l'eau du bain ».
Serge Perraud nooSFere 14/05/2009
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