Jehn Zalko est insomniaque. C'est à cause de cette carence en sommeil qu'il est devenu écrivain. Il partage sa vie avec Lola, qui enseigne la littérature à l'université. Ils sont très épris l'un de l'autre, mais occupent, cependant, chacun un appartement séparé par un palier. Jehn, au bout de ses nuits sans sommeil, pressent un univers où grondements sourds et batailles se succèdent. Il ouvre les yeux. Il est au centre d'un vaste décor, au milieu d'une foule. Une jeune femme l'appelle prince Jalko. Un courtisan lui révèle qu'il est obsédé par Bola, une autre femme et qu'il porte le titre et les responsabilités de Commedian de l'uvers Samana. Il refuse ces révélations et la situation. Épuisé, il s'étend et se retrouve dans son appartement. Lorsqu'il frappe chez Lola, celle-ci lui ouvre, furieuse, le gifle et lui crie de s'en aller, de disparaître de sa vie. D'un univers à l'autre, il doit faire face à des situations difficiles. Qu'est-ce qui motive l'attitude soudaine de Lola ? Qu'a-t-il fait pour qu'elle en arrive là ? Quand il revient à Samana, c'est pour s'entendre dire que ses derniers actes remettent en cause une trêve et que, par sa faute, la guerre va reprendre...
Makyo apprécie particulièrement les récits où la raison bascule en même temps que la réalité. Signataire des quatre cycles de la célèbre Balade au bout du monde, il explore ces zones où l'esprit dérive, dans un jeu de miroirs, à la jonction d'univers parallèles. Avec le personnage de Jehn, qui se trouve confronté, dans les deux mondes qu'il fréquente, à des êtres qui en veulent à sa vie, il met en avant la fragilité de la réalité et mène un jeu subtil entre rêve et quotidien, entre cauchemars et normalité.
Jerry, qui assure le graphisme des deux époques, réussit à dissocier si bien l'une et l'autre qu'on pourrait penser à une forme de schizophrénie. Pour l'époque contemporaine, il offre un dessin réaliste, aux décors dépouillés, avec quelques vignettes qui restent cependant trop statiques, aux personnages trop peu élaborés. Puis, il bascule le lecteur, comme le héros, dans un univers chatoyant, avec un dessin rond aux traits dynamiques, harmonieux et aux décors flamboyants. Jerry, qui a pour « parrain » Éric Hérenguel, réalise un album de belle facture, densifié, dans sa narration, par la mise en couleurs remarquable d'Irène Häfliger.
Un premier volume qui va bien au-delà d'une mise en place de l'intrigue et laisse augurer d'une série séduisante.
Serge Perraud nooSFere 29/08/2009
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