Kim, en état de cécité, est au bord du fleuve en compagnie de Jagger, l'aventurier. Sur la rive opposée, elle aperçoit Jade qui, après un petit signe de la main, s'éloigne pour continuer sa mission. Elle a rendez-vous avec le Gouverneur pour négocier l'instauration d'une nouvelle frontière et le retour de la force ancienne, celle du roi Gorille. On suit alors le parcours qui a amené Jade dans cette position. Après avoir repris sa liberté au sorcier de la tribu, elle a suivi la piste de la légende, en compagnie de Kémono et de quelques hommes qui voient en elle la déesse Anaktu. Mais la route est longue à travers les contrées désolées, jusqu'au coeur d'un pays où tout n'est que mort et pestilence. C'est là qu'elle retrouve un roi mourant qui, cependant, l'attend pour lui transmettre son pouvoir. Elle accepte le marché et devient reine de son peuple et immortelle.

     Puis l'histoire rebascule sur le conteur qui expose à Kim la légende de Jade. Celle-ci est confortée dans sa recherche de la Perle Noire, alors que Zymba Motta, le potentat veut se faire sacrer roi en rendant le joyau à la déesse. Mais...

     Le récit s'articule en deux parties bien distinctes. Tout d'abord la fin de la légende de Jade, son accession à la royauté, puis la fin de la quête de Kim. Jean Dufaux clôt cette une superbe histoire par un dénouement dans l'esprit de la série. Il jongle avec maestria, de quelques idées forces autour de l'identité, des racines, des mythes et légendes et de leur survivance. Il donne, à son récit, une vision forte, âpre, sauvage, brutale d'une Afrique source de toute la vie. Jouant sur les époques, il transmet les croyances d'un peuple, les traditions qui forgent sa culture et compose son histoire. Il dénonce, une fois encore, la rapacité de l'Homme, son besoin de tout changer, de tout transformer pour « faire de l'or », quel qu'en soit le prix, quelles qu'en soient les conséquences.

     Mais ce récit, aussi beau soit-il, n'atteindrait pas ce point culminant sans le travail graphique d'Ana Mirallès. Elle sublime cette histoire, accompagnant de superbe façon ses rythmes et ses ruptures. La somptuosité de ses couleurs, l'harmonie des atmosphères et des corps fait de ces albums de véritables œuvres d'art pouvant se comparer aux enluminures (mise en lumière) composées au cœur des abbayes du Moyen-âge.

     Avec Le roi Gorille, un album remarquable, Jean Dufaux et Ana Mirallès terminent de belle façon un cycle et ouvrent sur un nouveau récit, une nouvelle période qui, à n'en pas douter, sera aussi riche que les précédentes.