À l'origine, Guin Saga est une série de nouvelles écrites par la très populaire écrivain(e) japonaise Kaoru Kurimoto, malheureusement décédée il y a peu. Également connue pour les illustrations du génial Yoshitaka Amano, la saga voit paraître aujourd'hui son adaptation en manga via les éditions Asuka. Malgré sa popularité au Japon, Guin Saga reste totalement inconnu dans nos contrées, malgré la parution des cinq premiers volumes aux éditions Fleuve Noir. Saga de fantasy colossale (cent vingt tomes depuis 1979 !), il semblait impossible de l'adapter en manga : pour rendre son œuvre abordable et digeste, l'auteur emploie donc un seul point de vue et une ligne narrative unique, ce qui nous amène à l'intrigue en elle-même.
Un homme à la musculature imposante se réveille, amnésique, au bord d'une rivière. Il est affublé d'une tête de léopard (bien qu'il soit plusieurs fois question d'un « masque », tout porte à croire qu'il s'agit de son véritable faciès...). Dans le même temps, les deux héritiers d'un royaume saccagé, des jumeaux, courent à travers les bois pour échapper à des soldats. Le destin des deux enfants va ainsi croiser celui de Guin (il se souvient de son nom), qui va leur venir en aide en faisant preuve d'une force et d'une noblesse d'âme étonnantes. Les Japonais s'essayent assez souvent à la fantasy, avec plus ou moins de bonheur (on notera, dans les réussites, l'anime des Chroniques de la Guerre de Lodoss, superbe hommage au jeu de rôles Donjons & Dragons). Malgré sa réputation, ce Guin Saga incitait donc à la méfiance, avec son héros aux allures de catcheur mexicain. Pourtant, le manga frappe avant tout par la facilité avec laquelle il parvient à happer l'attention du lecteur, pour ne plus la relâcher (il est vrai, aidé par de superbes dessins). Le fil narratif est assez classique (course-poursuite, arrestation, évasion...) mais très efficace, et l'on remercie l'auteur de nous éviter les sempiternels « en ces temps troublés... » et autres expositions encyclopédiques chères à la fantasy. Dans Guin Saga, on ne perd pas de temps, les choses vont vite, et le lecteur découvre un monde inconnu au même rythme que son héros amnésique. Mais Guin Saga impressionne aussi par sa cruauté, qui rend la menace planant sur les jumeaux d'autant plus effrayante, et le personnage de Guin d'autant plus noble. Cette violence exacerbée, assez rare pour ne pas devenir complaisante, se voit ainsi justifiée par les réactions des personnages face à l'indicible, bien plus que dans la provocation putassière d'un Berserk (remarque purement gratuite).
Asuka ayant eu la bonne idée de publier les deux premiers tomes simultanément, nous n'aurons pas à attendre pour voir l'intrigue prendre forme en soulevant, comme dans toute bonne histoire, de nouvelles interrogations...
Florent M. 16/12/2009
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