En 1852, Honoré Pencrec'h et son épouse Camille Desfhouet reviennent passer quelques jours à Kerfilec, le village breton de leur enfance, qu'ils ont quitté voilà vingt ans. Mais leur arrivée inquiète les gens du pays, à commencer par leur ancienne institutrice, mademoiselle Hortense. Pourquoi Camille est-elle revenue ? Pour mener une enquête ? Pour se venger ? De quoi et de qui ? Pour tenter de comprendre, mademoiselle Hortense va vouloir user de sorcellerie. Mais ce faisant, elle bouleverse la trame du temps et permet à la version enfantine d'Honoré de s'égarer dans son futur. Un jeune Honoré qui était alors amoureux d'Emma et ne voyait en Camille qu'une petite peste ; un jeune Honoré incapable de comprendre comment son moi adulte a pu en arriver là, ni pourquoi Emma a disparu...
Le scénario concocté par Jean-Blaise Djian réussit parfaitement à planter une ambiance de mystère d'un impeccable classicisme dans l'envoûtante Bretagne rurale du XIXème siècle, tout en lui insufflant une véritable originalité en confrontant le jeune Honoré à son futur. Tous les éléments sont réunis pour intriguer le lecteur quant au « drame » que l'on suppose s'être déroulé il y a vingt ans. Avant même d'en connaître la nature, on devine des secrets oppressants qui ne demandent qu'à éclater au grand jour, tandis que la confrontation entre l'univers insouciant de l'enfance et celui plus résigné de l'âge adulte apporte une fraîcheur salutaire à l'ensemble.
Au pinceau, Vincent nous est présenté comme revendiquant « l'énergie tenace dans le trait de Régis Loisel et l'art de la mise en scène de Bernard Yslaire ». Pour une fois, cet argumentaire apparaît tout à fait juste et la comparaison s'impose, avec notamment un jeune Honoré très « loiselien » et une Camille beaucoup plus « yslairienne ». Vincent parvient cependant à affirmer son style et à faire oublier ces références, avec son dessin élégant et chaleureux, très joliment mis en couleurs par Delf.
Au total, L'école Capucine offre un subtil récit fantastique, alliant mystères et passions inassouvies, dans une ambiance finement rendue sur le plan graphique comme scénaristique. Il nous faudra cependant attendre le prochain et dernier tome 1 pour voir si la résolution de l'intrigue est à la hauteur de ce suspense pour l'instant si habilement distillé.
Notes : 1. On aurait évidemment souhaité que les deux parties soient publiées d'emblée en un seul volume, tant il est évident qu'il s'agit d'un récit unique, mais les impératifs éditoriaux sont ce qu'ils sont...
Pascal Patoz nooSFere 23/11/2009
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