Hélis s'est enfuie. Elle est contre le remariage de sa mère avec messire Brifaut et le déménagement qu'entraînera la nouvelle situation familiale. Guillaume, son jeune frère, sait que sa sœur a voulu rejoindre son père, persuadée qu'il n'est pas « complètement mort ». Il se rend dans le local où celui-ci poursuivait des recherches d'alchimiste, réunit dans une toile quelques objets et part sur les traces de sa sœur, vers Ysane, sa tante.
Mais, dès le début de son voyage, il est confronté à la réalité en assistant au massacre de villageois par des pillards. Alors qu'il fouille dans les ruines à la recherche de nourriture, il se fait surprendre par un homme en armes qui se présente comme le chevalier de Brabançon. Mais Guillaume en doute, compte tenu de son comportement et de son équipement.
Sa tante, une magicienne, lui révèle qu'Hélis se porte bien et qu'il retrouvera son père parti pour des contrées lointaines. Une pierre, ramassée sur sa tombe, lui servira de guide.
Accompagné de Brabançon et de Courtepointe, un troubadour, que sa tante a su convaincre de l'utilité de la quête, Guillaume se met en route vers ces lieux inconnus.
La quête initiatique d'un adolescent pour retrouver sa place, son identité volée, a été traitée moult fois, tant en romans qu'en scénarii. Mais, une fois encore la magie des créateurs opère et offre une lecture et une vision nouvelles, éclairant d'un angle neuf des péripéties, des rebondissements. Cependant, Gwen de Bonneval va plus loin, introduisant une dimension psychanalyste forte. En outre, il ajoute une cause peu fréquemment utilisée, dans les scenarii, qui est l'acceptation du deuil d'un parent, pour des adolescents.
Il crée, dans un décor moyenâgeux qui lui autorise toute une variation sur la magie, toute une mythologie nourrie par l'imaginaire quant aux pays de légendes. On retrouve une parenté avec les bestiaires fabuleux d'un Jérôme Bosch ou d'un Brueghel. L'auteur reprend les croyances qui avaient court à cette période. Il mêle réalité et rêves, convictions et superstitions. Il joue avec leurs variations et leurs limites, pour construire un récit à la trame passionnante. Le contexte médiéval lui permet, également, de donner corps à une galerie de personnages suffisamment étoffée pour développer tant des scènes dramatiques que cocasses.
Le graphisme de Matthieu Bonhomme est sublimé par l'édition en noir et blanc, de ses crayonnés qui laissent transparaître toute la beauté des vignettes. Que ce soit pour les visages, les silhouettes, les décors et les fonds, cette mise en images donne une dimension fantastique.
L'édition, en un format à l'italienne, reprend les trois albums parus entre 2006 et 2009 et les complète par des vignettes inédites. C'est cette présentation qui avait été retenue, initialement, par les auteurs. La restitution, dans le format original, ne souffre pas de comparaison avec celui des albums.
Pourquoi les éditeurs n'osent-ils pas, plus souvent, faire paraître uniquement ce type d'album où la maîtrise du dessinateur se révèle sans le masque de l'encrage et les fards de la couleur ? Y aurait-il si peu d'auteurs qui peuvent se permettrent une telle présentation ?
L'Esprit perdu est une remarquable réédition, la démonstration, si besoin était, de l'immense talent de deux auteurs. C'est un volume qui doit figurer dans toute bédéthèque digne de ce nom !
Serge Perraud nooSFere 09/02/2010
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