En 1881, un an après la « révolte des objets » du premier tome – l'excellente Révolte de Hop-Frog – , le journaliste Hiram Lowatt et son compagnon indien Placido débarquent dans la petite communauté de Kaliputiak, au cœur de l'Alaska. Dirigée par un homme de belle prestance, le juge Dunbar, cette communauté serait agréable si elle ne semblait pas harcelée par les Cœurs de bête – une tribu indienne menée par le mystérieux Glouton – , et si certains habitants n'étaient pas la proie de cauchemars atroces. Se lançant à la poursuite du Glouton, Hiram Lowatt va être entraîné dans un récit sombre et morbide, où les ogres ne sont pas ceux que l'on croit.
Si l'intrigue ne comporte pas d'élément réellement surnaturel, l'ambiance particulièrement noire suffit à en faire un conte plus terrifiant que bien des récits fantastiques. Cette histoire hors norme, bien que plus originale dans son atmosphère que dans sa thématique, confirme une fois de plus le talent de scénariste de David B. ! La narration est exemplaire, avec une mise en place élégante des personnages qui acquièrent immédiatement une consistance, puis avec une montée progressive de l'angoisse qui précède le déchaînement d'une violence aussi intérieure qu'extérieure, où même le pacifique Lowatt deviendra une bête furieuse et meurtrière.
Le graphisme de Christophe Blain, proche de celui de Joann Sfar, se fait lui aussi plus sombre, avec un encrage appuyé, un noir profond omniprésent contrastant avec de rares couleurs aux teintes crépusculaires et automnales. Non réaliste, le dessin se fait oppressant et cauchemardesque, accentuant ainsi l'angoisse et le malaise.
Les ogres est donc un album mémorable, tant pour le scénario, d'une tension dramatique rare, que pour le graphisme exceptionnel de Blain. A découvrir !
Pascal Patoz nooSFere 31/07/2000
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