Dans un avenir proche, au sein d'une société totalitaire qui écrase l'individu au profit de la toute-puissance et du mensonge étatiques, une femme mène un combat pour découvrir les raisons de la disparition mystérieuse de son mari parti en mission spatiale...
 

     L'album s'ouvre sur une « fable » où un roi, dans un paysage de conte de fées, veut régner éternellement. Un de ses conseillers, un sorcier, invente un appareil appelé métronom' qui a le pouvoir de suspendre le temps.

     Dans un espace urbain peu engageant, un travelling sur un wagon amène l'image sur une jeune femme, pendant que la propagande gouvernementale martèle ses « résultats » et argumente pour un vote « démocratique » sanctionnant le suicide, une plaie sociale coûteuse. Alors que Lynn, cette jeune femme, arrive au Palais des Ministères, où elle a rendez-vous avec Lauren, cette dernière annule son rendez-vous. Mais Lynn force la porte du bureau de sa sœur. Elle veut avoir des nouvelles de Doug, son ami parti depuis huit semaines et dont elle est sans nouvelles depuis trois.

     Au rez-de-chaussée de l'immeuble du Vox Populi, Linman, un journaliste, se fait tancer par Kingsley, le directeur du journal. Dans la rédaction très conservatrice, il représente la sédition, le refus.

     Lynn et lui se rencontrent au commissariat. Sur son insistance, elle lui raconte son histoire. Linman décide d'enquêter en faisant jouer ses contacts. Il parvient à en apprendre plus sur le sort du mari de Lynn. Celui-ci est en quarantaine, infecté par un virus. Tous les membres de la mission sont morts, sauf deux. Mais Linman est dénoncé, par son directeur, comme l'auteur probable d'un livre subversif, dénonçant la dictature, adressé au président...
 

     Éric Corbeyran signe une nouvelle tétralogie sur les dérives liberticides, sur la défense de l'indépendance de l'individu, sur les moyens mis en œuvre par les univers répressifs, sur les mille manières que ces régimes utilisent pour aliéner les populations. L'auteur n'a eu qu'à puiser dans notre contemporain pour trouver quelques uns des éléments de son scénario ; sur la privation de libertés, sur la mainmise progressive, insidieuse, du pouvoir de l'état. Il illustre fort bien la manipulation des populations qui n'ont d'autres sources de références que le matraquage gouvernemental. La mari de Lauren va devenir une référence dans le genre..

     L'auteur joue sur les paradoxes, faisant dire à l'un des héros : « À force d'interdire, il ne restera plus rien à interdire. S'ils veulent continuer à rogner nos libertés, arrivera le moment où ils seront bien obligés de nous en rendre un peu. »

     Il appuie, également, son intrigue sur une dangereuse inconnue, un élément étranger qui semble responsable de la situation catastrophique de la mission.
 

     Grun réalise toujours des dessins réalistes d'une grande beauté, rehaussés par un travail très personnalisé sur les couleurs. Il donne à ses personnages une gestuelle expressive, maintient tout au long de l'album des traits constants tout en leur appliquant une panoplie de mimiques et d'expressions. Ses décors renvoient le sentiment d'étouffement, d'oppression développé dans le scénario.

     J'aimerais, cependant, qu'il m'explique comment, dans la première vignette, le wagon de voyageurs va prendre son virage.
 

     Tolérance Zéro est un premier volume qui nous place au cœur de l'intrigue et donne très envie de découvrir la suite.