La mémoire des ogres est une série dérivée du Lièvre de Mars, du même scénariste. Nous y retrouvons, dans une enquête policière plus intimiste, la thématique de la race de dinosaures qui domine la planète en secret. Ces tyranns sont dotés de pouvoirs extraordinaires puisqu'ils peuvent devenir invisibles, prendre l'aspect de n'importe quel être humain, se téléporter où bon leur semble, etc. Avec une telle puissance, on comprend d'ailleurs mal qu'ils se croient obligés de rester cachés...
Mais ce n'est pas tout : des sociétés secrètes, des races humaines immortelles, des univers parallèles que l'on atteint en traversant un miroir... Comme dans le Lièvre de Mars, Cothias n'a pas craint de surenchérir, au risque de nuire gravement à la vraisemblance.
En revanche, l'intrigue de base reste assez platement manichéenne, l'aspect dinosaure n'étant ici que pour montrer qu'il s'agit bien de méchantes bêtes, dont les motivations sont forcément mauvaises.
« Vous voulez parler de quatrième dimension ? d'univers parallèles, comme dans les mauvais romans de science-fiction ? » écrit Cothias page 33. De même qu'il souligne que « la téléportation, ça n'existe encore que dans les mauvais romans de science-fiction » à la page 46 du tome 7 du Lièvre de Mars. Pourquoi « mauvais » ? Cothias n'a-t-il lu que de mauvais romans de SF ? A-t-il oublié que les bons romans peuvent aussi traiter de ces thèmes ou de ces technologies fictives ? Quoiqu'il en soit, cette appréciation déteint sur le lecteur qui finit par penser qu'il est effectivement dans une mauvaise BD de science-fiction, c'est-à-dire une BD oubliant toute cohérence. A trop en rajouter, il devient impossible d'y croire.
De plus, si le dessin de Marivain est agréable, il est beaucoup trop sérieux, totalement dépourvu de la fantaisie et de la légèreté qui pourrait faire accepter l'intrigue. Dépeinte de façon aussi réaliste, sans la moindre distanciation humoristique ou poétique, la présence d'un tyrann baveux faisant la causette dans un salon bourgeois frôle le ridicule, de même que le méchant qui fond après un petit coup de pulvérisateur.
En résumé, cette seconde série n'apporte pas grand chose par rapport à la série principale du Lièvre de Mars, dont elle ne possède ni le dynamisme ni l'humour latent. Explorant d'autres facettes de l'univers des tyranns, elle pourrait intéresser si cet univers était construit de façon plus rigoureuse — ou si les auteurs jouaient plus ouvertement la carte de la dérision — , mais nous avons hélas un peu de peine à y adhérer.
Pascal Patoz nooSFere
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