Épisodes quarante et un à cinquante de Preacher, en attendant le soixante-sixième et dernier épisode. Le scénario se recentre sur Jesse Custer, et relate son séjour dans la petite bourgade de Salvation, Texas. Une nouvelle fois, Garth Ennis donne l'impression d'abandonner sa trame principale (la recherche de Dieu) pour se consacrer à une histoire indépendante sans rapport avec la quête de Jesse. L'intrigue renoue toutefois avec son passé grâce à l'apparition, certes un peu facile mais bienvenue, d'un personnage (et même deux) très proche du pasteur et que l'on pensait à jamais disparu.
L'auteur revient donc à l'univers redneck ayant contribué à la signature si particulière de la série en nous ramenant au Texas, avec ses usages hérités du Far West et ses règlements de compte. Cette fois, Jesse doit faire face à un certain Odin Quincannon, puissant gérant d'un abattoir (en atteste la couverture, dans le plus pur style « Tiens, voilà du boudin »). Bien entendu, ce nouvel ennemi est aussi un sadique notoire, la présence d'un psychopathe dans chaque tome de Preacher étant devenu une sorte de tradition. En devenant le shérif du patelin, Jesse va prendre la tête d'une révolte et s'attirer les foudres du petit homme.
Malgré son grand talent de narrateur (qui lui permet de rester plaisant à lire même quand il n'a rien à raconter), Ennis confirme mes soupçons en donnant l'impression d'avancer à l'aveuglette, sans vraiment savoir comment développer les éléments mis en place dans les premiers épisodes de Preacher (Dieu, les anges, les démons, les rednecks, un cow-boy, un vampire et j'en passe...). Bref, Preacher est parti dans tous les sens, et l'auteur ne semble plus savoir comment réunir ses billes. Il avance donc à coup de sketches où il peut exploiter son intérêt pour l'Amérique profonde, le western, les valeurs perdues d'une époque où les hommes connaissaient le sens du mot « honneur », etc. On suit cette histoire sans déplaisir, mais ses thèmes de prédilection commencent à sentir le réchauffé, et les habituels dialogues fleuris associés à l'inévitable scène-choc peinent à faire passer la pilule. Pour résumer : on tourne un peu en rond, Ennis finit par s'auto-parodier, et donne la sensation de meubler sa série pour combler les vides la séparant de la conclusion qu'il a sans doute déjà en tête : après avoir annoncé d'emblée que Preacher compterait soixante-six épisodes, et pas un de plus, le voilà contraint à effectuer un numéro d'équilibriste pour retomber sur ses pieds.
Heureusement, il y a John Wayne, toujours là pour ramener Jesse Custer à ses responsabilités. Heureusement, au cours d'un épisode, l'auteur se souvient de l'histoire laissée en plan, et nous révèle enfin ce qu'il s'est passé après la chute d'avion de Jesse. La scène sonne un peu comme un deus ex machina, c'est le cas de le dire (vous verrez pourquoi), mais elle a le mérite de replacer l'intrigue sur ses rails. Et heureusement, Garth Ennis est toujours aussi touchant quand il véhicule ses valeurs humanistes via ses personnages. En espérant qu'il soit capable de concilier de manière cohérente tous les éléments déjà mis en place en l'espace des seize épisodes restants...
Florent M. 10/03/2010
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