Par un heureux hasard, Drugstore réédite l'intégrale de ce titre phare de la BD underground 1 peu après un autre fleuron du genre, Tank Girl (chez Ankama) : il semblerait qu'en ces temps conformistes souffle un vent de rébellion ou, du moins, une soif d'insolence, de la part d'un lectorat lassé d'un paysage culturel fadasse et inoffensif. En clair : marre de la soupe ! Ces deux œuvres incontournables de la culture punk (ou de la contre-culture, devrais-je dire) nées dans les années quatre-vingt partagent en effet nombre de points communs, impliquant les mêmes qualités et les mêmes défauts : action effrénée et absence de tabous meublant des intrigues bien minces souvent sans queue ni tête.
Dans Ranx, il est donc question d'un androïde baptisé Ranxerox, en référence aux pièces détachées de la photocopieuse Xerox grâce auxquelles on l'a réparé 2. À l'origine, Ranx est l'avatar robotique d'un étudiant opposé au pouvoir en place : sa créature lui permet de se rendre dans la rue incognito pour se procurer ses doses. Une fois son créateur abattu lors d'une descente des brigades aux ordres du pouvoir, Ranx se retrouve orphelin et doit errer sans autre occupation que de traîner avec Luna, sa petite amie âgée de douze ans (!), à la recherche de drogues en tout genre. Tout cela, nous l'apprenons dans le premier épisode devenu assez rare, en noir et blanc, dessiné par le « papa » de Ranx : Tamburini 3, avant la reprise du dessin par Liberatore dont le nom est désormais associé à l'œuvre (et au trait bien plus sophistiqué). Dans une très intéressante préface, le traducteur nous explique les conditions de cette création déjantée par un collectif d'artistes bercé par l'esprit punk (anarchie, bagarres, musique trop forte et drogue à gogo).
Bref, Ranx est le témoin d'une époque, et n'est pas à mettre entre toutes les mains (d'où la nécessaire exposition du contexte de l'époque relatée dans la préface). Son intérêt ne réside pas tant dans son scénario que dans son insolence et son style graphique inimitable, purs produits des années quatre-vingt : la volonté d'en mettre plein la vue au détriment du développement des personnages ou de l'intrigue peut en effet s'avérer redondante sur la durée. L'édition de cette intégrale, agrémentée d'une préface, de l'ensemble des planches et d'esquisses dans un format un peu moins grand et plus pratique que celui des précédents albums était sans doute nécessaire, et prend parfaitement la relève des autres éditions ( la plus récente datant de dix ans).
Notes :
1. Jusque-là paru en France chez Albin Michel, via L'Écho des Savanes.
2. L'entreprise américaine de photocopieurs Xerox ayant moyennement apprécié, le personnage fut ensuite simplement nommé « Ranx ».
3. Mort d'une overdose en 1986, permettant à Alain Chabat (des Nuls, vieil ami de Liberatore, « designer » du vaisseau d'Objectif Nul, et que l'on peut voir grimé en Romain dans le film Astérix et Cléopatre réalisé par Chabat) à prendre sa suite au scénario de Ranx dix ans plus tard avec l'album Amen.
Florent M. 05/05/2010
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