Depuis sa baignoire, Katty Wuthering invoque l'esprit de Nostradamus pour lui faire préciser le danger qui la menace. Or : « ...même d'outre-tombe, ses prédictions sont toujours aussi absconses. » Surgit un loup encapuchonné qui ne laisse de la médium qu'une paire d'yeux dans un verre. Auguste Dupin, enquêteur et phénoménologue, est sur les lieux à la demande de l'inspecteur Georges Nimber. La situation lui donne l'impression d'être : « ...dans un chapitre du prochain roman de Gaboriot. »
Deux mois plus tard, Dupin est aux prises avec Flora Vernier, son apprentie. Il lui annonce que son sénateur de père demande qu'elle reste trois semaines de plus, le temps, pense-t-il, de la dégoûter du métier de détective.
Mais la jeune fille est déterminée. Elle profite de l'absence de Dupin, qui l'a mise de garde à l'agence, pour recevoir un client en se présentant comme l'associée du détective. Or, ce client, à l'attitude bizarre comme dit Isabeau, la gouvernante de Dupin, l'entraîne dans une enquête aux ramifications multiples et mystérieuses.
Le Dupin de Poe n'a jamais été confronté à une jeune femme telle de Flora. Sinon, il aurait sans doute eu les mêmes réactions. L'auteur joue avec ces considérations, qui avaient force de loi à la fin du XIXè siècle, sur les femmes et leurs capacités. Le scénariste dresse avec beaucoup d'ironie, au fil de l'album, un catalogue de ces « dogmes » sur la supériorité masculine. Il fait émettre, par Dupin et un superbe antihéros, les impossibilités féminines telles que finesse d'analyse ou capacité à abandonner les frivolités.
Autour d'une enquête sur un meurtre inexplicable et un vol mystérieux, Thierry Gloris multiplie les allusions à l'univers de Dupin et au fantastique qui a baigné ses enquêtes.
Il fait preuve de beaucoup d'humour, tant dans les dialogues percutants que dans des situations et temporise, ainsi, le côté grand-guignolesque de son histoire.
Jacques Lamontagne est issu de l'illustration. Depuis 2004, il accumule les séries, les participations, toutes réalisations de bon niveau. Il donne, pour ce début de série, un graphisme riche, de caractère et d'un grand réalisme. Il réalise des pages de belle facture, donnant une stabilité remarquable à ses personnages et des décors d'une grande variété. Il fait ressentir tout le dynamisme du récit, met en avant la fatuité de Dupin, l'énergie de Flora et les caractères inattendus des seconds rôles.
La naine aux ectoplasmes signe le début d'une série prometteuse, tant dans l'abondance d'éléments d'intrigue que pour son humour débridé.
Serge Perraud nooSFere 06/04/2010
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