Lawrence vit à l'écart du village, au cœur d'une bibliothèque. Il donne des leçons de lecture et d'écriture à Keira, une jeune fille. Deux cavaliers, qui viennent la chercher, sont effrayés par un puma qui surgit d'un bosquet. Lawrence calme le fauve par un : « Reste tranquille Le Chat ! » Elle part en disant à son maître que sa mère, Suzan, voudrait un livre pour le lendemain.

     Lorsqu'il le lui apporte, Suzan est surprise, elle n'a jamais souhaité de livre. Puis, elle demande pourquoi Keira ne l'accompagne pas. Il se rend compte qu'il a été joué par la gamine quand il découvre qu'elle a volé une carte, une ancienne carte qui lui avait servi lorsqu'il était sorti de la Zone pour aller jusqu'à Londres. Il comprend aussi que le révérend du village a monté une machination. Ce dernier accuse Lawrence, qui ne croit pas en Dieu et ne rejette pas les connaissances du passé, d'avoir perverti l'esprit de la jeune fille.

     Se sentant responsable en n'ayant pas détruit cette carte, et pour fuir la vindicte des gens du village excités par les discours du révérend, Lawrence se lance sur les traces des trois jeunes gens. Il sait ce qui les attend dans ce monde contaminé où les survivants soumis aux virus, aux maladies génétiques, aux malformations, survivent en petits clans du cannibalisme...
 

     Éric Stalner, avec La Zone, revient à une création en solo, assurant scénario et dessin. Il base son histoire, prévue en quatre tomes, sur une situation post cataclysmique. Les survivants ont construit une société qui condamne la connaissance, rejette les livres jusqu'à les détruire. Les descendants des rescapés ne savent plus lire, ni écrire. Cette régression, dans la culture, ouvre la porte à tous les abus, à la prise de pouvoir d'individus ayant un peu plus de connaissance que les autres ou un titre qui leur confère une autorité fallacieuse.

     L'auteur s'appuie sur une évolution du climat qui entraîne des tempêtes et des tsunamis, sur l'apparition continue de nouveaux virus responsables d'épidémies destructrices. Il prend aussi en compte les quantités astronomiques de pesticides, l'accroissement de la pollution et ajoute quelques conflits bactériologiques. Il propose, ainsi, une prospective réussie qui prend en compte nombre de paramètres aux croisements cohérents. Si le début de l'histoire rappelle la conclusion du mythique Ravage de René Barjavel, la suite du récit révèle des thèmes bien différents.
 

     Que dire encore du dessin d'Eric Stalner ? Il fait du « Stalner », c'est-à-dire des vignettes splendides, des pleines pages avec quelques incrustations, des plongées et des contre-plongées qui prouvent sa totale maîtrise de la perspective. L'animation et la mise en scène du puma sont particulièrement travaillées.
 

     Sentinelles est un album réussi tant au point de vue d'une histoire captivante que d'un graphisme de grande classe, qui laisse augurer d'une suite tout aussi passionnante. (La publication du tome 2 est annoncée pour le 3 novembre 2010)