Voici enfin le tout dernier tome de Preacher, la der des der, conclusion d'une saga initialement diffusée en France dans les années quatre-vingt dix par l'éditeur Le Téméraire, puis reprise par Panini dans les années deux mille, et dont la fin n'avait jamais été publiée chez nous.
Logiquement, Garth Ennis conclut une à une les sous-intrigues liées à ses personnages, peut-être un peu facilement, mais aucune question ne restera sans réponse. Puis, enfin, vient l'épilogue de sa trame principale : la recherche de Dieu par le révérend Jesse Custer, prétexte au développement de réflexions philosophiques et métaphysiques via des dialogues un brin bavards. À la lecture de cette fin, et en reconsidérant l'ensemble des épisodes à sa lumière, on ne peut s'empêcher de penser qu'Ennis a entamé cette saga sans avoir de plan global en tête, avançant à tâtons et en meublant son scénario de pseudo événements, peut-être pour certains inspirées de sa propre expérience de la vie étant donné leur caractère intimiste.
En ce qui me concerne, mon intérêt pour Preacher a décliné après l'exceptionnel deuxième tome, dont la maîtrise narrative et l'intensité émotionnelle laissaient présager une fresque géniale, espoir accentué par les enjeux ambitieux mis en place par l'auteur. Malheureusement, ces enjeux bigger than life (la recherche de Dieu, un complot à l'échelle mondiale impliquant le descendant du Christ...) dont Ennis ne semblait plus trop savoir quoi faire au fil des épisodes se sont vus reléguer au second plan au profit de sous-intrigues plus ou moins divertissantes (triangle amoureux, séjour de Custer dans une bourgade perdue, etc.).
Ce qui s'annonçait comme une série métaphysique provocatrice rock n' roll nous laisse donc un peu sur notre faim, malgré un final ô combien blasphématoire. Les révélations font figure de pétard mouillé, et le soin apporté par Ennis à la conclusion des rapports fraternels tissés entre Custer et Cassidy ne fait que confirmer une chose : au fond, l'auteur s'intéressait davantage à ses personnages qu'à ses intrigues et ses enjeux. Mais Garth Ennis reste un conteur hors pair, un formidable dialoguiste capable de faire exister ses personnages, et son Preacher apparaît finalement comme un « road-comic » à travers l'Amérique fordienne doublé d'une satyre religieuse audacieuse.
Florent M. 17/04/2011
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