Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? C'est à cette question sans réponse que ne tentait pas de répondre Philip K. Dick dans son fameux roman en 1968, qui donnera plus tard naissance à un film non moins fameux : Blade Runner.
Je ne vous ferai pas l'offense de résumer l'histoire mais si vous n'avez jamais lu le livre, sachez que son intrigue diffère assez grandement de son adaptation cinématographique 1. Celle-ci est en effet essentiellement axée sur des éléments totalement évacués du long-métrage : par exemple, Deckard élève sur son toit un mouton artificiel, et rêve de pouvoir s'acheter un animal organique hors de prix grâce aux primes reçues grâce aux exécutions d'androïdes fugitifs. Il utilise également un appareil permettant de procurer à son utilisateur des sentiments préalablement programmés. Ce genre de « détails » ne figure donc pas dans le film, mais participe pourtant à tout le propos mis en place par Dick.
Avec ce comic-book assez ambitieux, il faut le reconnaître, Tony Parker ambitionne de restituer, au mot près, tout le roman de Dick. Il a d'ailleurs l'audace d'utiliser le titre original et non celui du film, susceptible d'attirer plus de lecteurs (et saluons le courage de l'éditeur français pour avoir conservé le titre en vo sans le traduire). Pour une fois, l'expression de « roman graphique » trouve ici toute sa justification, puisqu'il s'agit bel et bien d'un texte littéraire accompagnant sa mise en images. Seulement, là où le bât blesse, c'est qu'il paraît tout aussi absurde de « plaquer » tout le texte d'un roman dans une BD que, par exemple, d'adapter image par image une BD en film (cf. Sin City). Nous lisons donc une succession de bulles entrecoupées de « lui dit untel », ou « répliqua machin » en restant totalement passifs face à l'action. Tout le roman est ainsi restitué mot à mot, agrémenté d'images, un peu comme un livre illustré. Et le résultat est long, très long, car l'auteur n'a pas compris que le lecteur d'un livre se montre généralement plus patient qu'un lecteur de BD, qui supportera moins facilement les intrigues secondaires.
Do Androïds Dream of Electric Sheep ? est donc une fausse bonne idée, un comic-book où quelques dessins sont noyés sous un texte abondant et les intrigues secondaires mises en place par Dick, nécessaires dans son roman mais pas franchement indispensables dans un format BD où il est d'usage d'aller « droit au but » (manque de place oblige). L'intention est louable, mais il ne suffit pas de vouloir être fidèle à l'œuvre de Dick ; le changement de support implique un travail d'épuration, d'adaptation, bref : de réécriture, sans quoi le lecteur aura l'impression de lire un livre illustré sans « valeur ajoutée », chose parfaitement assimilée par Ridley Scott qui, s'il avait adapté le roman de Dick au mot près, n'aurait sans doute pas obtenu le chef-d'œuvre que reste Blade Runner.
Notes :
1. Je profite de l'occasion pour vous renvoyer vers mon analyse du film, consultable sur nooSFere.
Florent M. 26/03/2011
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