À Bois-le-Duc, en 1504, Hieronymus Bosch rumine de sombres pensées en traversant son village où, à l'image du pouvoir, les valeurs morales sont bafouées. Il se rend chez son frère, un adepte de l'Adamisme, pour lui faire part de son malheur. Ses ennuis ont débuté après que Philippe le Beau lui ait commandé Le Jugement dernier, un tableau représentant les affres de l'enfer. Il s'est mis au travail, mais très vite, il est sujet à des visions où ses démons prennent vie pour saccager son tableau en cours de réalisation, pour le menacer.
Son épouse, très croyante, lui propose l'aide de son confesseur alors que son frère croit au soutien de Duilvel, le maître des Adamistes. Celui-ci veut que Bosch, pour exorciser les démons qui le traquent, les peignent. Il reproduira, alors, le signe des Veilleurs imaginé par Euzébius, un moine. Celui-ci, en 1460, a eu la vision d'un souverain unique, mené au pouvoir absolu par six rouages, déclenchant l'apocalypse. Il a créé alors l'ordre des Veilleurs. C'est lui-même qui révèle à Bosch la machination, commençant à lui expliquer son rôle de contre-rouage. Sous les yeux de Hieronymus, le vieil homme est assassiné...
On pourrait penser, à la lecture des premières actions du scénario, qu'il s'agit d'un récit historico-fantastique de plus ! De plus, l'idée d'un dirigeant qui tente de régner sur le monde et qui se trouve face à un Juste qui s'élève contre son pouvoir, fait l'objet de nombre de livres, scénarii. Cependant, l'intérêt de cette série, et de cet album, réside dans le choix des Rouages et dans celui des Contre-Rouages. Les auteurs ont retenu des femmes et des hommes universellement connus comme Jérôme Bosch, Machiavel, Nostradamus, Charlotte Corday, Talleyrand et Albert Einstein. Ils les confrontent à un dirigeant avec, pour mission, de dérégler l'ordre du chaos, d'empêcher, par une succession de jeux politiques, une prise de pouvoir qui entrainerait l'apocalypse. Si chacun de ces personnages est dans toutes les mémoires, ou presque, leur vie par contre reste bien ignorée. Chacun, le temps d'un album, va devenir le héros et la pièce maîtresse de cette lutte infernale. Le contenu du septième album, qui clôturera la série reste un mystère pour l'instant.
Dans le pilote de la série, les auteurs présentent un Jérôme Bosch en proie au mal, écartelé entre deux visions de la religion, celle de l'Église catholique qu'il rejette et celle des Adamistes qu'il est amené à combattre.
Le scénario, qui intègre nombre de données authentiques tant sur les personnages, que les événements, se prête bien à l'introduction de toute la fiction relative à la vision du moine et ses conséquences. Le mélange des deux genres est fait avec adresse et donne un résultat attrayant, générant un suspense bien maîtrisé.
Un autre obstacle de taille restait à surmonter : trouver un dessinateur qui puisse reproduire une partie de l'œuvre de Jérôme Bosch sans la dénaturer ni en amoindrir sa force. Geto, s'en sort à merveille. Il offre un graphisme de grande qualité, reconstituant avec brio les décors et costumes de l'époque, brossant des portraits d'une grande justesse et une mise en scène des détails du tableau avec fidélité. Il fallait aussi savoir donner un prolongement au Jugement dernier et animer certaines de ses composantes. C'est un sans-faute que Geto réalise signant dessin et couleur.
Jérôme Bosch est un premier album fort réussit d'une série prometteuse !
Serge Perraud nooSFere 04/08/2011
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