Dans la Cité Majeure, sur la planète capitale de l'Union Galactique des Fonctions Segmentées, les sept guides sont préoccupés par l'épidémie de stérilité. Les démographes ont déterminé une date proche où la situation deviendra irréversible. L'humanité sera alors condamnée.
Comme tous ses camarades de sept ans, Loth Lungren passe le test d'Armaguédon qui déterminera ses dominantes psychologiques, sa couleur et l'affectation qui en découlera. Il la prendra à vingt et un ans, après quatorze ans de préparation à son futur.
C'est le moment, pour Loth, de rejoindre son lieu de vie. Mais, il s'attarde dans les bras d'une fille et rate la navette. Furieux, il lance son véhicule dans une course et... tout bascule.
Il se retrouve devant un tribunal qui lui inflige une peine de quarante ans de relégation. En même temps que lui, Jezréel Seth est condamnée à faire deux ans sur Sodoma, parce qu'elle a refusé, en tant que fille affectée aux plaisirs, de participer à une orgie.
Ils sont réunis parce que Loth, comme dernières volontés, exprime les souhaits de voir la fin d'un film et d'une présence féminine. Jezréel décide de s'évader et entraine Loth. Mais retrouver sa liberté dans un monde aussi structuré et conditionné n'est pas une mince affaire...
Richard Malka compose un monde totalitaire où le conditionnement est poussé à l'extrême. Dans cet univers, sorte de Meilleur des Mondes surdéveloppé et de 1984 galactique, les individus sont classés selon sept grandes catégories, chacune réunie sur une planète. Ainsi, ce regroupement de personnes partageant les mêmes valeurs élimine les conflits. Le scénariste s'appuie sur une partie des travaux de Carl Gustav Jung, Georges Dumezie, Isabel Myers et Katherine Briggs. On a ainsi une planète pour les personnes portées à tout ce qui relève de la spiritualité, celles dédiées à l'échange, la jouissance, la guerre, le travail, l'ordre et la créativité.
Le scénariste met en place un moyen spectaculaire, mais efficace, de châtiment : la relégation. C'est une technique de vieillissement ultra rapide. Son avocat lui résume la condamnation : « ...une petite piqure et hop, votre peine est accomplie... ». Loth va se retrouver brutalement à soixante et un ans, presque à la fin de sa vie.
Richard Malka élabore finement son monde, peaufinant les divers volets, attentif aux détails. Mais ce monde « idéal » est refusé par quelques rebelles, des « sans-couleur ».
Il met en scène un couple de héros composé d'un jeune homme au caractère indiscipliné, mais plutôt lymphatique et d'une volcanique jeune femme qui refuse totalement que l'on dirige sa vie. Il leur donne des patronymes composés à partir d'éléments, biblique, de mythologie égyptienne, et prend pour prénom de son héroïne le site de la future bataille de l'Armageddon.
Dans cette série, Richard Malka veut traiter des passions humaines, passions qui restent les mêmes depuis l'aube de l'humanité. Seul l'environnement change. Il organise son univers en fonction du chiffre sept, chiffre « magique » par excellence, présent comme tel dans la totalité des civilisations.
Le graphisme est signé par Juan Gimenez, un dessinateur-coloriste devenu un créateur mythique du space opera. Il nous a habitués, depuis le début des années 80, particulièrement avec La caste des Méta-Barons, à une inventivité exubérante que ce soit pour les personnages, les machines et les décors. Il conçoit des personnages aux physiques avantageux, mais il sait saisir l'esprit d'un récit et traquer les arrière-pensées du scénariste.
Avec Lexopolis, ce premier tome de Segments, Richard Malka entre dans le vif de son sujet. Il réunit tous les éléments d'une superbe série à l'intrigue enthousiasmante.
Serge Perraud nooSFere 20/12/2011
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