« Merci Manu, pour cet album à la fois sidéral et sidérant. »

Jean-Claude Mézières et Pierre Christin

 

     L'Ouvre Temps clôturait en beauté quarante siècles d'aventures spatio-temporelles, une saga grouillante d'humanité (et surtout de non-humains), ayant exploré d'innombrables mondes, dûe aux imaginaires conjugués de deux maîtres de la bande dessinée, Pierre Christin et Jean-Claude Mezières.

     Mais une série ayant inspiré autant de créateurs, parcouru autant d'univers, ne pouvait totalement s'arrêter. Et d'ailleurs, dans les abîmes interstellaires, où se situent la fin et le commencement ?

     C'est pourquoi Christin et Mézières ont souhaité confier leurs deux héros à quelques amis triés sur le volet, pas pour une suite, surtout pas, mais pour une éxécution en figures libres, une relecture d'un univers propice à toutes les interprétations ...

     Et quoi de plus amusant, de plus délirant et de plus émouvant, pour commencer, que de découvrir du Valérian vu par Larcenet ? Il ne s'agit bien sûr ni d'un pastiche, ni d'une suite respectueuse. C'est à la fois du vrai space-opéra méditant sur les espaces infinis, et du vrai Larcenet rigolant de tout, que va dévoiler L'Armure du Jakolass.

     « Valérian, vu par... » est une nouvelle collection où sont confiés à des auteurs reconnus les personnages de Christin et Mézières, dans un esprit parodique mais en respectant tout de même un certain cahier des charges. Un travail de commande sur le fil du rasoir, donc.

     Pour ce premier tome, l'auteur retenu n'est pas forcément évident à première vue, l'univers de Larcenet étant pour le moins éloigné de celui de Valérian, mais c'est tout aussi bien car avec un tel choix l'approche sera, au minimum, surprenante. Et en effet... Après une première page en forme d'hommage — ou de moquerie, à vous de voir — Larcenet retombe brutalement dans son univers favori : celui des beaufs. C'est donc en compagnie de deux pochetrons, dans un bar PMU, que débute l'histoire, et je me garderais bien de vous dévoiler comment l'auteur parvient à faire la jonction avec l'aventure intergalactique qui nous attend.

     Curieusement, ça fonctionne : le tour de force est réussi. On retrouve bien l'esprit space opera, tout en se fendant la poire à chaque page grâce au décalage introduit par Larcenet, qui s'amuse à confronter son héros de banlieue à des situations typiques du genre, en opposant sa beauferie à la naïveté de la série. Par ailleurs, l'intrigue tient la route, et n'a pas à rougir face aux BD de science-fiction plus sérieuses.

     Un album surprenant, donc, mais très récréatif, aussi bien pour son auteur que pour les lecteurs. Le tout reste assez soft, Valérian oblige, mais Larcenet se permet tout de même quelques égarements dont la série n'a guère l'habitude.