Suicide Island s'inscrit dans la mouvance de ces mangas à dimension sociale s'intéressant aux problèmes de la société nippone, et en particulier à sa dernière génération, un peu comme Battle Royale ou Ikigami. Dans ce manga atypique, des jeunes gens sont en effet confrontés à leur propre mort, et doivent faire le choix de se battre ou se résigner à un destin sinistre. Différence notable : les adolescents ici concernés par un impitoyable programme d'État sont tous suicidaires. Ils souhaitaient donc déjà mourir, avant que la société ne décide de se débarrasser d'eux. Et paradoxalement, pour certains d'entre eux, cette mise à mort programmée va réveiller leur instinct de survie, de la même façon que certains personnages d' Ikigami.
Les jeunes suicidaires récidivistes sont donc envoyés sur une île. Cependant, le but de l'État n'est pas de les « rééduquer », non : il s'agit simplement de se débarrasser d'éléments coûteux et dispensables à la société. Ce seul postulat en dit long sur l'esprit critique de l'auteur et sa vision du cynisme des politiques de son pays, préférant (dans son histoire, selon un point de vue subjectif) occulter un problème réel plutôt que de s'attaquer à ses causes (rappelons que le Japon souffre d'un taux de suicide record parmi ses adolescents).
Ainsi, au début de Suicide Island, ces jeunes suicidaires récidivistes se réveillent sur une île déserte, à la manière de Lost. Ensuite, l'intrigue suit le quotidien des exilés quasiment en temps réel, avec peu d'ellipses, et nous relate leur lutte quotidienne pour la survie, objectif peu motivant pour des individus ayant décidé de mettre fin à leur jour. C'est ainsi que l'île révélera les tempéraments de chacun, différenciant meneurs et suiveurs et, en l'absence de règles, réveillera les pulsions les plus bestiales de chacun.
Le tout s'avère bavard et assez peu palpitant, mais Suicide Island a le mérite de s'intéresser à un fait de société concernant le jeune public auquel s'adressent les mangas, et peut-être sous-estimé par les autorités compétentes. Disons-le tout net : la morale perceptible derrière l'œuvre pourra laisser perplexe (en résumé : le travail collectif redonne goût à la vie), suivant la façon dont on la perçoit, car on peut également y voir un accès à l'espoir grâce à la solidarité et à la mise en œuvre d'un objectif commun. Le ton dépressif et larmoyant en rebutera plus d'un, et l'intrigue a tendance à s'étirer excessivement sur la base d'un concept basique (retrouver le goût de la vie), mais Suicide Island a le mérite de s'attaquer frontalement à un sujet peu commercial.
Florent M. 21/11/2011
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