En décembre 1851, Napoléon, élu à une large majorité, impose ses vues impériales. De nombreux républicains doivent fuir. Parmi eux, Adolphe Tiers, Victor Hugo et Pierre-Jules Hetzel souhaitent prendre un train pour Bruxelles. À la gare, Hugo est reconnu et, dans la fuite qui s'ensuit, Hetzel est tué. Sa mort va changer la face du monde.
À Paris, en 1900, Juliette Henin est stressée. Elle a rendez-vous à la prison de la santé où Honorine Fraysse de Viane, l'épouse de Jules Verne, a souhaité la rencontrer. Celle-ci évoque les avancées sociales, la place des femmes dans la société de l'île Lincoln. Elle compte sur elle pour diffuser, à travers La Fronde, son journal féministe, la vérité diffamée par la coalition qui s'est emparée d'Univerne après un long siège. En se quittant Honorine prend Juliette dans ses bras pour l'embrasser et glisse, subrepticement, un objet dans sa poche.
Juliette n'a que le temps de se rendre au point de regroupement des journalistes qui, en avant-première, vont découvrir les richesses de la Nouvelle Exposition Universelle.
Parallèlement, des vaisseaux stellaires activent un rayon qui frappe une grande tour de 300 mètres, ancien emblème de l'île de Jules Verne. L'énergie se propage jusqu'aux profondeurs, réanime trois entités vêtues comme des super héros... alors qu'un commando débarque !
L'uchronie, imaginée par Jean-David Morvan, a son point de déphasage lors de la mort de l'éditeur Hetzel. Celui-ci ne pouvant plus exercer son office, et pour cause, des écrivains ne peuvent plus être publiés. Le scénariste imagine donc de lui faire réaliser ses idées, dans un monde nouveau, plutôt que de « simplement » les décrire dans des romans. Il reprend nombre de faits et de personnages authentiques qu'il intègre adroitement aux éléments de son utopie. Il amalgame l'univers romanesque de Jules Verne, qui de son temps ne fut jamais considéré comme un auteur majeur.
Jean-David Morvan conçoit une société nouvelle telle que l'imaginait Jules Verne, avec une industrialisation exubérante, un gigantisme et une démesure dans les réalisations. Cependant, cette société impose la tyrannie de la mécanisation. Le scénariste lui donne donc son pendant avec la Butte Montmartre. Celle-ci, depuis la révolte des Communards est une commune libre. À l'image du « village gaulois » elle résiste pour garder un mode de vie bohème, refusant tout modernisme.
Le scénariste rattache nombre de références à notre société actuelle en décrivant, par exemple, la Teslavision installée dans tous les foyers : « une invention pour embrigader ses fidèles à un niveau supérieur. », un hommage à Albert Robida....
On note, toutefois, une légère erreur sur la date de la révolte des Communards.
Le récit de Morvan est magnifiquement servi par le talent de Nesmo, le dessinateur. Celui-ci réalise avec un graphisme réaliste, une superbe mise en images d'une utopie steampunk. Il transforme Paris, couvre une partie de la Seine, réduit Notre-Dame à un petit monument par rapport aux constructions qui l'entourent. Il offre des perspectives hardies, des plongées et contre-plongées audacieuses. Du grand art !
Son trait expressif donne à ses personnages des silhouettes longilignes, débordantes de mouvements et de dynamisme.
Paname, ce premier volet de la série, est enthousiasmant tant par son récit que par une mise en images remarquable.
Serge Perraud nooSFere 04/11/2011
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