Chroniquer les ouvrages Urban Comics devient frustrant : à force de compliments, je ne voudrais pas donner une impression de complaisance. Commençons donc par une salve de critiques négatives, histoire de rééquilibrer les choses : je ne l'avais jamais remarqué mais les ouvrages de l'éditeur sont imprimés en Roumanie, quand les imprimeries françaises ne manquent pas 1 ; ensuite, les contenus gores ne sont pas signalés par un avertissement sur la couverture (cf. Hellblazer et Batman), et enfin le Wonder Woman de Brian Azzarello était franchement décevant, aussi bien au niveau du scénario que du dessin. Voilà qui est dit. Ce qui me permet maintenant d'encenser une nouvelle fois UC, qui réussira bientôt l'exploit de rendre l'éditeur DC aussi populaire que Marvel en France en rattrapant ainsi des décennies de retard, grâce à des choix de publication judicieux permettant de découvrir ou redécouvrir des personnages certes connus, mais pas tant que ça, avec des histoires où il n'est pas nécessaire d'avoir TOUT lu et TOUT assimilé de leur parcours pour les apprécier.
Donc, aujourd'hui, Catwoman. Personnage créé en 1940 par Bill Finger, apparue « en chair et en os » dans la série kitsch des années soixante puis remise au goût du jour (tendance cuir et griffes) par Tim Burton dans Batman Returns, la cambrioleuse de haute voltige aura toujours joué un rôle ambigu dans la série, tantôt du côté du héros, tantôt du côté des vilains, mais agissant toujours pour son propre compte en abordant Gotham comme une immense aire de jeux à ciel ouvert (à la manière de tous les personnages de Batman, par ailleurs). Catwoman aura toujours fait office de partenaire de jeu pour l'homme chauve-souris — chose logique pour un chat — au point de devenir sa maîtresse dans une drôle de relation SM avec laquelle s'amusera Frank Miller dans son Holy Terror, en s'inspirant des personnages sans toutefois les nommer (en les remplaçant par « The Fixer » et « Cat Burglar »). La Règle du Jeu reprend parfaitement ce cahier des charges en attribuant à Catwoman toute la sexy attitude, la nonchalance et l'insouciance juvénile qu'on lui connaît, d'une façon aussi réussie (et visuellement proche) que dans le sublime Batman - Arkham City. Conséquence : c'est sexe, chaud bouillant, et très récréatif. Judd Wynick brise un tabou en nous montrant l'union charnelle de Batman et Catwoman, et n'hésite pas à la représenter sous l'apparence d'une femme aussi espiègle et « libérée » que peut l'être actuellement Miss Hulk chez Marvel (cf. À Armes Inégales). D'ailleurs, ce Catwoman n'est pas sans rappeler le Batgirl récemment découvert dans Batman Saga N°1 (narration à la première personne, jeune femme insouciante brutalement mise face à ses responsabilités...).
Notons que, dans la collection Renaissance, DC ne surfe pas seulement sur le talent d'auteurs reconnus ( Jim Lee, Greg Capullo) mais mise également sur des artistes moins populaires, comme Wynick et March. Tout cela donne une impression de profusion d'auteurs motivés décidés à retourner à l'essence des comics (le divertissement bigger than life), qui nous fera éventuellement penser à l'apparition d' Image dans les années quatre-vingt dix...
Notes :
1. Reconnaissons-le : un ouvrage à couverture cartonnée de cent-soixante pages en couleurs à quinze euros, alors que la TVA sur les livres est passée de 5,5 à 7 %, même en faisant jouer la concurrence, je dois admettre que cela paraîtrait difficile en France.
Florent M. 09/06/2012
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