En mai 1520 un homme couché dans une barque, au milieu de squelettes, essaie de rassembler ses souvenirs. Il entend un grondement qui s'amplifie et lui rappelle une prédiction faite alors qu'il était encore enfant. Il survit à sa chute dans une cataracte et continue à fuir les tueurs Otomis lancés à sa poursuite. Il arrive vers l'épave d'une caravelle, reconnait la marque de Txlaka, découvre les cadavres tués par « L'esprit qui bouge », ce redoutable prédateur que même les Otomis fuient. Momentanément à l'abri, Hernando Royo se remémore le début de cette folie et les circonstances qui l'ont amené là...
Cortés est à Tenochtitlan, la cité de Moctezuma, l'empereur aztèque. Celui-ci, et son peuple, considère l'Espagnol comme la réincarnation d'un dieu. Mais le général doit face à l'expédition de Panfilo de Narvaez, envoyée par le roi d'Espagne. Ce dernier considère que Cortés s'enrichit au détriment de la couronne.
Après avoir contemplé le trésor de Moctezuma, le Conquistador décide de le voler pour amadouer son roi. Il réunit un groupe hétéroclite mené par Catalina Guerero, avec Hernando Royo et quelques aventuriers du meilleur lot.
Jean Dufaux s'intéresse, régulièrement, aux civilisations anciennes, aux périodes charnières de l'Histoire. Alors qu'il continue de raconter, dans Croisade, (Le Lombard) une fresque flamboyante qui se déroule au Moyen-Orient au XIIe siècle, il mène également une trilogie, Barracuda (Dargaud) qui s'appuie sur la réputation de l'île de la Tortue, une référence en matière de piraterie. Des Antilles au royaume aztèque, la distance est courte. Il installe une nouvelle phase de la légende d'Hernán Cortés, avec, pour éléments d'intrigue, un fabuleux trésor et des forces maléfiques chargées de le protéger.
Il élabore, pour ce diptyque, un cadre historique cohérent et anime un groupe d'aventuriers autour d'une femme d'exception et d'un soldat fidèle à ses engagements. Il retient comme décor, une nature sauvage, quasiment vierge, oppressante mais grandiose. Le récit s'appuie sur les ancestrales puissances aztèques. Cette fresque d'aventures est enrichie par un ton mystique, un fond de fantastique appuyé sur l'intervention de génies maléfiques, de djinns ou autres entités de toutes natures que le scénariste affectionne particulièrement. Il illustre, et dénonce, l'influence des religieux dans toutes les sociétés, les roueries dont ils sont capables pour conserver leurs privilèges. Il nous offre un clin d'œil malicieux avec le Grand-prêtre, le seul à ne pas croire à la réincarnation du dieu.
Jean Dufaux, en maître-scénariste, construit un récit implacable, d'une grande richesse, avec une large part de mystère.
Philippe Xavier abandonne les paysages arides de la Palestine pour les décors brillants de la civilisation aztèque et pour une sylve foisonnante, voire étouffante. La qualité de son dessin, son art de la mise en page ne souffrent pas de ce changement et enchantent toujours autant les yeux. On peut noter que la mise en page devient plus « ample ». Le nombre des vignettes par page se réduit pour laisser plus de place à celles qui sont retenues et qui dévoilent, ainsi, leur pleine puissance graphique.
L'équipe de créateurs ne pouvait être complète sans Jean-Jacques Chagnaud qui est aussi à l'aise dans les couleurs crépusculaires, les forêts noyées sous la pluie que dans la luminosité des déserts.
On peut simplement regretter que l'éditeur ne fasse pas figurer le nom du coloriste, quand il s'agit de quelqu'un d'aussi talentueux, sur la couverture.
Le premier tome de Conquistador est splendide. C'est une totale réussite !
Serge Perraud nooSFere 30/04/2012
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