(Critique des tomes 1 et 2)
Btooom ! Ce titre explosif est celui d’un récit de survie en milieu hostile façon « Battle Royale », référence assumée puisque citée à la page 60 du premier tome (curieusement sans « e » à « Royale »).
Dans ce genre, l’efficacité prime. Les premières pages nous plongent donc d’emblée dans un spectaculaire combat d’armures surpuissantes – on comprendra par la suite qu’il s’agit d’un jeu vidéo. A peine avons-nous appris que le joueur, nommé Ryota, est un geek respecté online mais inadapté in real life, qu’il se trouve propulsé sur une île coupée du monde où, privé de sa mémoire récente, il manque de se faire tuer par le premier individu croisé.
L’amnésie sera de courte durée et le jeune Ryota saura rapidement reconnaître et intégrer les règles du jeu qu’on lui impose, identiques à celles de son jeu vidéo favori : il suffit de tuer chaque adversaire à l’aide de petites bombes personnelles, dont il faut savoir maîtriser les diverses propriétés. Tuer un concurrent permet 1) de ne pas être tué, 2) de lui prendre ses propres bombes, 3) de récupérer sa précieuse nourriture, 4) de lui arracher le radar implanté dans sa main, puisque le but du jeu est de réunir sept de ces engins.
Le caractère dérangeant du genre, qui fait évidemment son intérêt, vient du fait que l’ennemi n’est ni l’abominable créature fantastique d’un horror survival (zombies, démons ou assimilés), ni même un simple « étranger » qu’il serait « logique » de combattre. Ici l’ennemi est un autre soi-même, un possible camarade ou un voisin, soudain transformé en un prédateur sous la pression de nouvelles règles sociales imposées par un ou des inconnus, pour une ou des raisons inconnues. Impossible dans ces conditions de se tourner vers ce rassurant alter ego pour faire front ensemble, difficile d’éviter de devenir soi-même un impitoyable tueur, dénué de toute compassion, de toute humanité… Comment ne pas s’interroger sur ce que nous ferions, nous lecteur, dans le même type de situation, certes peu probable (ouf !) mais non strictement inimaginable ? Comment ne pas s’inquiéter de la réponse, sachant que tout est fait pour que l’option « je reste non violent » ne soit pas envisageable ?
Pour attirer une certaine sympathie, il est nécessaire que le héros garde son humanité et éprouve une culpabilité qui nous paraît naturelle – mais peut-être moins que le primaire instinct de survie ? Il doit demeurer un agressé sur la défensive plutôt qu’un agresseur assumé. Ryota n’échappe pas à cette règle, même si son implication exclusive dans les univers virtuels pourrait l’avoir déconnecté du sens de la réalité.
Tuer pour vivre ou mourir pour refuser d’être manipulé ? Une fois passé ce bref questionnement existentiel, les scènes d’action et les tueries se succèdent à un rythme soutenu, ponctuées par les rencontres des autres « combattants » (le drogué agressif, la fille mystérieuse et insaisissable, le vieux maladroit qui refuse de se battre, le môme lui aussi doué pour Btooom…) et par quelques flash-backs qui permettent d’étoffer le passé du personnage principal.
Même sans surprise majeure par rapport aux codes du genre, le récit remplit donc facilement son contrat, d’autant qu’il est porté par un graphisme aussi agréable que dynamique. Le lecteur est tenu en haleine de la première à la dernière page, et c’est évidemment tout ce qu’on demande à une histoire aussi cruelle…
Pascal Patoz nooSFere 08/05/2012
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