On retrouve dans la bibliographie de Régis Loisel la mention de Pyrénée (sans S, il s'agit de la petite fille) dès 1981, histoire demeurée inachevée...
Qu'elle soit encore présente à son esprit dix-sept ans plus tard indique l'importance que l'auteur doit accorder à ce récit initiatique tout simple.
On ne peut qu'évoquer une adaptation très libre et personnelle du Livre de la jungle de Kipling et faire le parallèle avec l'adaptation déjà très libre que Loisel a fait du Peter Pan de Sir James Barrie.
Alors que le Londres de Peter Pan paraît une jungle, et que les adultes qui y vivent paraissent des fauves, la nature qui accueille Pyrénée n'a rien d'hostile, et le plus grand danger qu'elle court est une piqûre d'abeille... Elle constitue donc le double inversé de Peter Pan (à la manière de Croc-blanc et de L'appel de la forêt).
Pyrénée est "protégée" du monde des humains, mais elle apprendra tout de même l'amitié, le désir, la colère ou la jalousie. Et puis, elle ira comme Mowgli vers la civilisation... Connaîtra-t-elle le même contraste que Peter Pan lorsqu'il découvre le pays imaginaire ? La suite nous le dira...
Une histoire très simple, très sobre, mais qui demeure une histoire universelle, celle de l'apprentissage... Le récit clair est soutenu par le dessin également très clair et lisible de Philippe Sternis, que souligne un crayonné un peu charbonneux et des couleurs limpides. Les grandes cases et la discrétion du texte augmentent encore l'effet d'espace, de grand air et de pureté originelle.
Une belle histoire à lire en famille, et notamment accessible aux tous-petits.
Pascal Patoz
nooSFere
10/01/1999
Il est vrai qu'habituellement, les trucs un peu gnangnan ça devient vite, très vite, casse-bonbons (ou casse ce que vous voulez après tout). Et pourtant... Visiblement, le monde a sacrément foiré. Tous les gens sont morts, ou presque, c'est la débâcle (on ne sait pas pourquoi, c'est à vous de choisir, mais moi je suis sûr que c'est un coup des ricains). Dans le bordel ambiant, un ours de cirque s'échappe et, sur le chemin de la liberté, se prend d'amitié avec une petite fille couineuse. Tous deux se réfugient dans les Pyrénées, en pleine nature, loin des hommes, loin de la violence, de la crasse et de la grisaille. Commence alors une histoire d'amitié entre la fillette, l'ours, un renard et un aigle, un apprentissage de la vie, du respect, de l'amour... Amen. C'est pas une nouveauté, on sait combien l'enfance fascine l'ami Loisel (rien qu'avec son Peter Pan, on imagine que les psys doivent s'amuser...). Ici, c'est à une autre légende qu'il s'attaque : celle de l'enfant sauvage. Loisel nous fait donc son Kipling, mais un Kipling pyrénéen où se marient tendresse, amour et aussi, parfois, cruauté. Mais attention, pas une cruauté préméditée, vilaine et vulgaire, non, une cruauté de la nature, de la nécessité, bref, une cruauté gentille. Le lecteur attentif que vous êtes n'aura pas été sans remarquer dans les quelques lignes ci-avant la double occurrence du mot nature. C'est que la nature, justement est ici le véritable personnage principal. Que ce soit la Nature avec un grand « N » (dont l'album tout entier est un appel au respect), ou bien celle des choses, la nature humaine et animale qui inévitablement s'opposent mais peuvent, doivent comme nous le dit Loisel, se réconcilier. Ce sera, naturellement suis-je tenté d'écrire, la conclusion de l'album Sur ce conte de Loisel, pas si gratuit qu'il y paraît, comme bien des contes, Sternis produit une série de soixante-quatre planches absolument superbe (on reconnaît ici et là les « tics » de découpage de Loisel, sa patte même dans certaines scènes, certaines expressions). L'innocence de son trait, sa clarté et les mises en couleurs collent parfaitement à l'ambiance requise par le cadre du conte. La magie opère d'ailleurs dès l'ouverture. Les cinq premières pages, notamment, complètement muettes (ou presque) et qui retracent la fuite de l'ours et sa rencontre avec la gamine, sont une merveille d'efficacité. Au total les deux auteurs signent avec Pyrénée une bien belle bédé, à mille lieues de ce qu'on a l'habitude de lire ; voilà qui est, somme toute, bien rafraîchissant.
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Bifrost n°13
01/04/1999
Mise en ligne le 22/09/2005
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