Penser, en lisant le résumé, que le seul mérite de cette série est de montrer d'accortes jeunes femmes dévêtues serait une grave méprise. Il s'agit ici au contraire d'un album d'une grande finesse, autant dans le récit que dans le graphisme, et plus que remarquable... ce premier tome, très prometteur, pourrait même inaugurer l'une des grandes séries de la prochaine décennie.
Il n'y a pourtant qu'assez peu d'action dans ce premier volume... Mais en revanche, on y découvre un univers particulièrement riche, une ambiance que l'on rattachera à la fantasy et qui mêle avec bonheur et de manière cohérente des éléments empruntés à divers genres : animaux préhistoriques, ballons dirigeables, nécromants, pirates...
Au milieu de ce décor, les personnages sont également mis en place de manière très efficace. Les marins Kesh et Kirin, l'aventurier Norden, le cheik dragon Ad Arphax ou le nécromant Kütüb-ük-Tüglat-Nagar ont chacun un rôle équilibré et se volent à tour de rôle la vedette. Les uns sont parfois humoristiques, mais jamais ridicules; les autres sont terrifiants à souhait.
Mais ce sont surtout les femmes, Dame Ellora et bien sûr Tao Bang elle-même, qui sont les personnages les plus forts de ce récit : l'une maquerelle, l'autre pirate, elles sont pourtant à la fois superbes, dignes et fières.
Enfin, le dessin... Il est... que dire... magnifique, superbe, somptueux... On ne se lasse pas de revoir la finesse de chaque vignette, la délicatesse du crayonné, la qualité des détails... La couleur, également d'une richesse de nuances peu commune, renforce l'expressivité de chaque planche...
En bref, inutile de chercher en vain un quelconque reproche : il s'agit d'une totale réussite, issue de la fructueuse collaboration de quatre auteurs : Daniel Pecqueur et Olivier Vatine au scénario, Olivier Vatine au storyboard, Fred Blanchard aux décors et dessins préparatoires, et Didier Cassegrain pour les dessins et la mise en couleurs.
Indispensable !!!
Pascal Patoz nooSFere 15/03/1999
Oyez bonnes gens, voici venu un nouveau millénaire et avec lui une nouvelle race de héros, j'ai nommé : la guerrière à gros nénés. Finis les Thorgal ringards et autres Conan barbants, remisez vos petits zizis dans votre slip kangourou les gars, vous ne pouvez rien contre ce débarquement massif de créatures mammairement surdéveloppées et logistiquement over-équipées (sabres d'abordage, guns énormes — cal. 45 minimum — bazookas à proton, chars d'assaut, plasmas laser...). Or donc voici que les Lara Croft, Tank Girl, Carmen Mc Callum et autres Anita Bomba ont une nouvelle copine. Elle s'appelle Tao Bang et elle est bien jolie. Regard pénétrant et profil altier à la Corto Maltese (sans déc' !). Ses jambes fines de métis s'ornent d'adorables bas blancs (Kookaï 420 FF) qui s'arrêtent à mi-cuisse, son bikini rikiki (Tati 29,90 FF) lui rend le maniement du sabre d'abordage (Smith & Wesson 800 $) particulièrement aisé. Car voyez-vous la bougresse serait du genre piratesse des mers du sud, et pour arranger le tout, elle se trimballe une armada de copines matelotes recrutées sur casting. Tao Bang et ses copines sillonnent donc les mers australes, quelque part entre Jack Vance et les parties de jeu de rôle de notre jeunesse. Elle se font engager pour retrouver une pierre magique par un certain Ad Arphax (tremblez mortels), dragon de son état, mais aussi prévôt de la bonne ville de Xarnath. Ceci sur fond de guerre économique impitoyable et sans merci entre les deux grands bordels de ladite cité, Suspens : qui aura les filles les plus sexy pour faire un max d'oseille ? Voilà une bédé réjouissante, agréable à lire et pas prise de tête. J'ai jadis reproché au label « Série B » de chez Delcourt de produire des bédés formatées et sans personnalité graphique. Eh bien voilà une belle exception. Le mérite en revient à Didier Cassegrain, dessinateur spécialisé dans le dessin animé qui signe là son premier album BD. Le dessin est enthousiasmant, direct, efficace, avec un léger côté inachevé qui contribue à sa personnalité Les couleurs sont à l'image de la couverture, très réussies : franches et bien dosées. II se dégage de tout ceci une impression de facilité étonnante pour un premier album, due sans doute au fait que Cassegrain a été solidement secondé par Olivier Vatine et Fred Blanchard (designs et storyboard). On espère ardemment que Didier Cassegrain daignera persister en bédé et sortir beaucoup d'autres albums de ce calibre. Les seules réserves qu'on peut émettre concernent le scénario, non pas sur le fond, les personnages et l'univers qui fleurent bon les classiques du jeu de rôle et de l'heroic fantasy, mais sur l'agencement du récit. Notre héroïne arrive un peu tard dans cette série qui porte pourtant son nom. En outre l'histoire de concurrence entre les bordels de la cité n'est pas très crédible et frise le ridicule, même dans un joyeux univers méd-fan (idem pour le vrai-faux trafic d'esclaves dont on saisit mal l'intérêt). Au niveau du récit, ce premier album ne constitue donc qu'une intro un peu frustrante, et c'est dommage car Tao Bang a tout pour devenir une série véritablement emballante. Alors on attend la suite en espérant un petit effort du côté de chez les scénaristes.
Eteyas Bifrost n°13 01/04/1999 Mise en ligne le 22/09/2005
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