On peut s'interroger sur les raisons qui poussent les habitants de Nomeskam à demeurer dans une ville qui menace de s'effondrer à tout moment. Construite sur le crâne d'un dragon gigantesque mal soutenu par deux canines usées par les ans, la ville se poursuit en profondeur par d'imposantes galeries creusées dans le squelette du monstre. Les habitants et visiteurs n'ont d'autre choix que de respecter le plus grand silence, pour éviter toute vibration fatale, au point que certains fanatiques en viennent à se coudre les lèvres... Bien qu'il se croit riche, grâce à une bourse pleine de bestioles qui servent de monnaie vivante, Jahom de Pierre-Fendre mène la vie sinistre d'un traîne-ténèbre en attendant de retrouver sa compagne et son fils, en qui coule le terrible sang des seigneurs-cannibales. Croisant de nouveau les routes de la sorcière Azira et du gueux Porok, ils se sortiront ensemble de cette ville insensée et échapperont aux griffes de Zifra l'écorcheuse.
Voilà un album qui a su se trouver un ton original. Il faut dire que l'impressionnant décor peint par Peter Nielsen, dont le dessin s'avère fin et riche en détails, joue à lui seul le rôle d'un véritable personnage. De plus, les aventures contées par Brice Tarvel sont difficilement prévisibles, car rien ne se passe comme l'espère le héros, qui doit se contenter d'aller là où le hasard le pousse, probablement condamné à demeurer un traîne-ténèbre pendant encore un bon moment. Légèrement pimenté d'un humour qui parvient à ne pas prendre le pas sur l'intensité dramatique, son récit se lit donc avec un grand plaisir, même si au bout du compte la situation des personnages n'a pas progressé d'un pouce.
Bref, un album qui prouve que la fantasy médiévale peut encore apporter de bonnes surprises.
Pascal Patoz Faeries n°4 01/05/2001
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