Dans Kerioth, les époques se télescopent. Une cité d'aspect polymorphe repose sur des sous-sols aux vastes machineries tirées d'une révolution industrielle façon XIXème siècle, siècle auquel se réfèrent également les costumes. La technologie, archaïque dans certains domaines, est étonnamment avancée dans d'autres : par exemple, les pirates utilisent toujours le sabre d'abordage alors qu'ils naviguent à bord de sous-marins ! Et l'électricité n'est qu'un jouet qui amuse les puissants de ce monde qui fonctionne avec des machines à vapeur et à gaz...
Il s'agit donc bien d'un album steampunk, où l'originalité vient de la juxtaposition d'éléments disparates, qui, pris séparément, ne présentent pas d'originalité en eux-mêmes, mais au contraire renvoient le lecteur à des mondes imaginaires bien connus et détournés. On pourrait y voir un amalgame incohérent, mais les auteurs ont particulièrement saisi l'aspect ludique du steampunk, qui vient d'une part d'une imagerie amusante issue d'une technologie fantasmée et anachronique, et d'autre part des multiples références et clins d'oeil. Lutte des classes, bandit masqué au grand cœur nommé Mandrin, traître justement appelé Iska Ryot... Les auteurs nous entraînent dans un roman-feuilleton trépidant, aux multiples péripéties rocambolesques. Le récit est dense et prenant, la narration fluide et rythmée, le ton vif et enjoué, les personnages immédiatement sympathiques... que demander de plus ?
En outre, le trait est agréable et d'une grande lisibilité, mis en valeur par une mise en page dynamique et un cadrage varié qui augmente l'impression de rapidité.
Dans le genre, Kerioth est donc un album fort distrayant, qui s'impose d'emblée comme une jolie réussite.
Pascal Patoz nooSFere 27/11/2000
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