Eugène de Tourcoing-Startrec est un petit peintre de Montmartre qui vit évidemment à l'époque de... Toulouse-Lautrec. Abusant de l'absinthe, les nuits lui paraissent singulièrement colorées, ce qui lui permet d'affirmer que sa « peinture sera cosmique ou... hips !... ne sera pas ! » Et de fait, sa peinture n'est pas banale. Sous l'emprise de la fée verte, l'absinthe, ses modèles se voient affublés d'une tenue de cosmonaute, ses natures mortes représentent une bouteille de Coca et un hamburger, ses paysages champêtres se couvrent d'usines polluantes... Bref, Eugène peint le futur, des objets que nul n'a même encore imaginé, au risque de voir surgir un bon nombre d'ennuis...
Si l'idée de départ est amusante, le résultat final est un véritable régal, car Corcal, le scénariste, nous a concocté un merveilleux récit bourré d'humour et de trouvailles, où l'absurde rejoint la poésie et où la farce rejoint l'émotion. On y trouvera en vrac le viandisme – un mouvement pictural vite avarié – , les périlleux débuts de l'aviation, des révolutionnaires d'opérette – l'Organisacion Revolucionar y Terrible por la Expansion Illimitad de la Libertad ou O.R.T.E.I.L. – ou encore une effrayante société secrète : les Parigophobes...
Ce récit aussi délirant que délicieux bénéficie en outre du dessin très vif et très original d'Edith, qui lui donne une atmosphère onirique et faussement naïve. La dessinatrice rend à sa manière un très bel hommage au Paris des impressionnistes et de leurs successeurs.
Bref, les amateurs d'histoires où l'imagination ne connaît pas de limite et où l'humour ignore le terre-à-terre seront comblés par cette fantaisie débridée et ce trait inventif. Un vrai bonheur.
Pascal Patoz nooSFere 02/04/2001
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