Le commissaire AD Grand-Rivière est de nouveau confronté au TNT, ce parti d'extrême-droite « sans ressemblance avec des faits ou des personnages réels. » Il enquête cette fois sur la disparition du directeur du centre culturel de Vitriol-sur-Seine, un homme de caractère qui ne cachait pas son antipathie envers le maire, membre du TNT.
Dans le même esprit que le précédent volume, cet album est un pamphlet politique intelligent doublé d'un polar dont l'atmosphère est plus importante que l'intrigue. Flegmatique, à la fois idéaliste et désabusé, Grand-Rivière ressemble toujours à un Nestor Burma version black. La scène d'ouverture, dans un Paris ravagé par une tempête, déserté et décrépi, évoque un décor post-cataclysmique où les tags se lancent à l'assaut du béton comme le ferait une végétation sans retenue et où errent quelques bandes de survivants retournées à la barbarie. Une ambiance de fin du monde, bien rendue par le dessin aux ombres appuyées de Coutelis, et d'autant plus lourde qu'il s'agit bien du monde dans lequel nous vivons. Car si l'on pouvait voir dans le premier tome une anticipation sociale et politique à très court terme, dans la lignée du Jihad de Jean-Marc Ligny, il ne s'agit ici que de notre présent. Sur un sujet délicat, Bollée parvient à éviter l'écueil qui consisterait à sombrer dans un manichéisme trop voyant, dans une caricature trop appuyée où tous les « blancs » seraient des brutes racistes. Cela renforce son propos, même si l'on aimerait aussi qu'il analyse les itinéraires et les motivations profondes des partisans du TNT, plutôt que d'en faire de sinistres pantins aux idées limitées.
Bref, un excellent second tome, qui appelle une suite car il ne s'agit pas cette fois une histoire complète. L'amateur de SF peut souhaiter que les auteurs affirment l'anticipation, en décrivant une France basculant entièrement au pouvoir du TNT... mais peut-être cela dépasse-t-il leur ambition.
Pascal Patoz nooSFere 19/03/2001
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