Sur une planète recouverte par les océans, l'humanité est en mutation pour s'adapter à ce nouvel écosystème. Les premiers mutants, les enfants-rêves, sont des créatures mi-humaines, mi-aquatiques dont la viabilité est précaire, étouffant dans l'eau comme dans l'air. Atteints de la « maladie du corail », ils meurent dans l'adolescence, au terme d'une vie difficile parfois prolongée par la « liqueur d'existence » que fabriquent les moines Siges. La découverte du premier mutant « achevé » capable de vivre définitivement en milieu marin, l'Enfant des Méandres, a fait l'objet du récit conté dans les cinq premiers albums, le premier cycle de Finkel.
L'espoir est donc revenu au début de ce sixième volume : grâce aux coraux de l'île des Cinq Pierres du Silence, les alchimistes pourront permettre à l'humanité de survivre jusqu'à ce que la mutation soit complète. Tout n'est plus qu'une question de temps. Mais c'est sans compter avec les agissements de Sa'Bbal, le chef des Nek'Amas des Terres Morcelées, qui s'acharne à combattre la Feder Compagnie. Privé de Reimad, son « happeur » télépathe et préscient, il décide d'enlever Esta, la fille adoptive de Finkel, pour le remplacer. Elle est la seule femme qui possède ce don, une adolescente que Sa'Bbal pourrait bien séduire...
Il se dégage de la série Finkel un charme indéfinissable. Nous y vivons les dernières convulsions d'une humanité qui se meurt et l'émergence de l'espèce qui lui succèdera. Contrairement à de nombreux romans où les mutants sont impitoyablement traqués, les hommes ont compris que la mutation est le seul avenir possible. Ils se battent donc pour sauver leurs enfants, des êtres à la fois proches et déjà étrangers, qui retournent à l'élément d'où les premiers mammifères se sont extirpés ils y a quelques millions d'années. Cette ambiance de fin du monde sereine, avec un passage de relais consenti et assumé, donne une envoûtante douceur aux scènes qui nous confrontent aux fragiles enfants-rêves, résignés à subir les balbutiements de l'évolution naturelle. Le contraste avec la violence des hommes qui continuent à se déchirer pour l'obtention d'un futile pouvoir n'en est que plus fort.
Le dessin de Giné a une grâce et une finesse qui accompagnent magnifiquement le récit. Dès la couverture, on ressent la pureté de formes simples, la luminosité de couleurs profondes, l'appel des grands espaces et de la nature... Ce n'est plus La naissance de Vénus, surgissant des flots, c'est l'humain qui se dépouille pour rentrer au berceau, pour se fondre dans l'infini. Cette douceur n'empêche pas de nombreuses scènes d'action, souvent nocturnes comme pour souligner la noirceur de l'âme humaine lorsqu'elle est en proie au désir de puissance. Sa'Bbal se montre un adversaire redoutable, plus rusé que jamais, et la partie à jouer sera rude si Esta devient sa reine...
Baignée d'une atmosphère très particulière, Finkel est une saga envoûtante et intelligente. L'une des grandes séries SF du moment.
Pascal Patoz
nooSFere
01/10/2001
| 
