Dans une société urbaine vouée à l'oisiveté, où toute forme de lecture a été oubliée depuis longtemps, Juanalberto a un projet ambitieux : écrire un scénario autour de l'Antéchrist.

     Autour de lui, les destins de Vi, Ian, Eve, Gluck, le centaure Getuil et bien d'autres se croisent... sous le regard des chevaliers de l'Apocalypse.

     Les sept sceaux seront ouverts au long des trois tomes, pour former une fable intemporelle sur l'amour, la mort et la littérature.

     La Table de Vénus se déroule dans un futur où les livres ont disparus depuis cent cinquante ans et où la télévision, ayant perdu toute crédibilité, est également en passe de mourir. Seuls quelques excentriques, comme Juanalberto, accordent encore une valeur à la Culture et se souviennent des anciens mythes. Pour les autres, le mot « librairie  » n'existe pas et le nom de « Jésus  » n'évoque rien  : ils préfèrent s'adonner aux jeux virtuels qui leur procurent des orgasmes étalonnés.

     Tandis que Juanalberto le canard expose à ses amis un projet de scénario concernant l'Antéchrist, d'étranges cavaliers surgissent et sèment la mort et le chaos, tels les quatre cavaliers de l'Apocalypse...

     L'univers de Roosevelt est original et son récit agréablement ambitieux aussi bien dans le fond que dans l'écriture. L'auteur se propose en effet de revisiter de manière très personnelle les mythes de l'Antéchrist et de l'Apocalypse, à l'aide d'une narration structurée autour du nombre sept – comme les sept sceaux de l'Apocalypse. « Histoire de faciliter l'approche et, je dois l'avouer, par goût d'un certain jeu intellectuel  » précise-t-il dans la brève introduction.

     De documents télévisés en scènes de ménages, de discussions passionnées en rencontres surprenantes, le rythme du récit est erratique, faussement décousu et véritablement maîtrisé. Ponctué de réflexions philosophiques, il met en scène une foule de personnages attachants parmi lesquelles des animaux humanisés, des centaures ou des elfes qui coexistent sans le moindre problème.

     Le dessin illustre parfaitement la décrépitude d'une société où l'absence d'autre idéal que la seule quête du plaisir transforme une bonne partie des hommes en junkies accros à la réalité virtuelle. On pourrait reprocher les couleurs fades et la mise en page sans grande fantaisie, mais le foisonnement des détails qui parsèment chaque case compense largement cette relative platitude de la mise en page.

     Entre fable philosophique, fantasy urbaine, anticipation sociale et fantastique mystique, cette série prévue en trois albums enchantera sans aucun doute les amateurs de jeux ésotériques et de fusion des genres.