Après une intelligente adaptation du Livre de la Jungle dans une société humaine post-apocalyptique, Marc n'Guessan a choisi cette fois de mettre en scène des animaux humanisés dans une intrigante fantasy animalière, un monde peuplé d'ours aux comportements parfaitement anthropomorphiques. Au cœur d'une mine, à sept cents têtes sous terre, une équipe de sympathiques ursidés découvre une dalle derrière laquelle se dissimule un immense gouffre non-naturel. L'improbable trouvaille ne peut que stimuler leur curiosité, au risque de les précipiter vers la mort. De même que ses compagnons, l'ours Hotis meurt. Une nouvelle vie – mais est-il vraiment en vie, avec ce trou béant dans la poitrine ? – va alors commencer pour lui. Ailleurs, sur une autre planète ou dans un univers parallèle – à moins qu'il ne s'agisse d'un pays des morts ? – une troupe hétéroclite de créatures issues de différentes planètes, s'apprête à l'accueillir.
Si dans Petit d'homme, N'Guessan parvenait à intégrer certaines caractéristiques de l'animal pris comme modèle au caractère de chacun des personnages, il réussit tout autant à donner une « âme » aux créatures animales ou fantastiques qui peuplent cet album. On s'attache rapidement à cette société d'ours mineurs de fond, exploitée par une noblesse amollie, ainsi qu'aux autres protagonistes qui échappent à toute comparaison morphologique – Aberzen, par exemple, ressemble vaguement à un chien en raison d'une tache noire sur l'œil mais sans aucune des autres caractéristiques. Le mystère auquel ils sont confrontés n'est pas élucidé dans ce premier album. La nature de l'univers secondaire où sont plongés nos héros après leur transfert – voyage qui semble initier l'invasion de leur monde d'origine par une espèce agressive — , n'est pas dévoilé. N'Guessan prend le temps de développer son univers, mais sans tomber dans le piège qui consisterait à se limiter à un simple volume d'exposition.
Le dessin, assez classique, est fin et particulièrement expressif, apportant une grande crédibilité aux nombreux héros, ainsi qu'aux divers monstres assez originaux qu'ils ont à affronter. Bref, l'histoire est intéressante, à la fois touchante et palpitante, le graphisme est séduisant... tout concourt à faire d'Aberzen une série attachante et prometteuse.
Pascal Patoz nooSFere 05/10/2001
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