Et Jodo récidive ! Il nous remet ça. Après Aleph Tau, Les Méta-Barons, Juan Solo, il nous refait le coup du gosse maudit qui, de rites initiatiques en revirements moraux, se forge un destin d'exception. Ça se passe dans un univers SF proche de celui de l'Incal. Ça nous raconte l'enfance d'Albino, un jeune garçon qui rêve de devenir créateur de jeux virtuels et, par là même, d'accéder au plus haut degré du pouvoir : devenir le techno-père suprême. On suit en parallèle les tribulations de sa mère tyrannique, qui entreprend de se venger d'Oulrij-le-Rouge, le célèbre pirate de l'espace qui jadis détruisit son temple et abusa d'elle (union dont naquit précisément Albino). Bref un joyeux bric-à-brac, où, aux poncifs space op' s'ajoutent les spéculations de Jodo sur la réalité virtuelle et une société dont les prêtres seraient des techno-maîtres et la religion, un culte au silicium et aux giga-octets.

     Jodo retrouve pour cette nouvelle série Zoran Janjetov, avec qui il avait déjà réalisé Avant l'Incal. Le dessinateur reste fidèle à un style qui s'inscrit clairement dans la lignée de Mœbius, mais qui affirme néanmoins sa personnalité. Contrairement à ce qu'il avait pu faire dans Avant l'Incal, cette parenté semble cette fois clairement digérée, assumée. Le résultat est séduisant. Les couleurs notamment révèlent une esthétique qui rappelle la grande époque de Métal Hurlant et de la fin des années 70. (Je parle ici de la mise en couleur de Janjetov, telle qu'on a pu la voir en prépublication dans le magazine Bo-Doï).

     Apparemment l'éditeur a opté pour une recolorisation totale de l'album pour la sortie définitive. A l'heure où j'écris ces lignes cet album n'est pas encore paru. On attend de voir, avec une pointe de scepticisme, ce que cette nouvelle colorisation pourra apporter de plus.

     Dommage que l'on sente Jodo un peu essoufflé. Cette nouvelle série n'a pas l'originalité d'un Incal, ou l'efficacité des Méta-Barons. On sent confusément que Jodo s'englue dans le piège de la répétition. On accepte volontiers que le scénario frise parfois le ridicule (la fabrique de paléo-camembert-vert — le kamenvert — qui fait la fortune de la famille), car cela participe au kitsch de la BD. Par contre les habitués de Jodo seront sans doute un peu peinés de la réplétion fatiguée de thématiques déjà abondamment exploitées dans d'autres séries. On se dit que, là-dessus, Janjetov aurait mérité que Jodo se décarcasse !