Ted et Judd sont atterrés : le programme « divin » sur lequel ils travaillent depuis plus de deux ans vient d'être mystérieusement effacé, avec toutes les sauvegardes... Hors d'Octogonia, le journaliste Dodger continue à s'acharner sur l'image publique d'Edward Hates : il souhaite venger sa femme et sa fille, mortes dans un « suicide » collectif orchestré par la secte de l'Arquante, avec laquelle Hates s'est compromis... Pendant ce temps, l'ordinateur EXE manipule les rêves et les cauchemars de Hates, bien décidé à tout comprendre de l'esprit humain...
Le rythme s'accélère dans ce deuxième épisode, avec l'apparition du menaçant Joudri, l'un des complices de la secte de l'Arquante. Moins théorique que le précédent, cet album délaisse les considérations théologiques pour mieux préciser les enjeux de la partie en cours. Derrière Hates et son université, deux forces paraissent tirer les ficelles : l'Arquante, une secte avide de pouvoir, et l'Intelligence Artificielle EXE, dont le libre-arbitre semble acquis. Même s'il est un peu moins fort, le propos sous-jacent au récit demeure toutefois très intéressant. Anne Ploy continue notamment sa réflexion sur l'interaction entre la machine et l'esprit humain : les séances d'apprentissage avec le professeur-programme « Jay » tournent au cauchemar pour certains élèves trop doués, l'ordinateur ne jugeant que les capacités intellectuelles de l'enfant sans tenir compte de ses difficultés psycho-affectives.
Le dessin de Malnati bénéficie cette fois d'une mise en couleurs plus agréable, grâce au travail des Color Twins. Parmi les passages les plus réussis, on notera une amusante soirée costumée sur le thème du « réveillon 2001 ».
Un second tome qui confirme l'intérêt d'une série à l'ampleur peu commune : le troisième millénaire lucidement décrit par Anne Ploy est d'autant plus inquiétant qu'il est tout à fait vraisemblable !
Pascal Patoz nooSFere 02/01/2002
Bon, alors d'abord, pour les étourdis n'ayant pas lu le Bifrost 16, je vous résume l'épisode précédent. Nous sommes en 2025, au sein d'Octogonia, un vaste complexe où des chercheurs, des étudiants et des industriels travaillent et collaborent sur des domaines scientifiques et technologiques de pointe. Derrière ce projet il y a Edward Hâtes, homme richissime, puissant et sans scrupules, hanté par la peur de sa propre mort. Lorsque son médecin lui apprend qu'il est atteint d'un cancer, et en dépit du fait qu'une telle maladie se soigne aisément, son humeur ne s'arrange pas. Mais voilà qui fait bien l'affaire du journaliste Draft Dodger, qui a des raisons personnelles d'en vouloir à Hâtes... En parallèle à tout ceci, deux étudiants, Dudd et Tex, et une théosophe, travaillent au sein d'Octogonia sur un projet mêlant informatique et religion. Et l'empire de Hâtes lance un nouveau produit : Jay une intelligence artificielle censée remplacer les professeurs... Le premier tome avait posé les personnages, le décor — futur proche, avec technologies de l'information et intelligences artificielles omniprésentes — et amorcé l'intrigue, ou plutôt les intrigues. Le deuxième tome développe ces dernières. Dudd et Tex sont dans la panade car tous leurs travaux — trois années d'investissement — se sont mystérieusement volatilisés. Sans parler du fait que Dudd a été le témoin involontaire de manigances pas très nettes... Le journaliste Dodger s'attaque à Hâtes et joue avec le feu. On voit Jay à l'œuvre avec un jeune écolier que l'I.A. pousse à bout. Et comme si la situation n'était pas assez complexe, voici qu'une secte pas très fréquentable entre dans le jeu. Bref, l'action passe à une vitesse supérieure ! Les différents fils de l'intrigue ne se rejoignent toujours pas, mais cela contribue plutôt à donner de l'intérêt à la série. Quant au décor, s'il n'est pas des plus originaux, il est incontestablement travaillé dans les détails. On regrettera toutefois que les protagonistes manquent d'épaisseur — à l'exception notable de Hâtes, personnage qui présente un mélange d'immoralité et de détresse humaine qui le rend, paradoxalement, fort touchant. Voilà qui nous change des méchants manichéens que l'on trouve habituellement dans les BD de SF style Mc Callum et compagnie. Rappelons pour terminer que cette intéressante série fait elle-même partie d'une plus vaste fresque, TransGénèse, qui sera composée de trois autres séries indépendantes mais se déroulant dans le même univers. Si l'ensemble est à la hauteur de ses ambitions au regard de ce que l'on a pu lire jusqu'à présent, voilà qui promet d'être intéressant.
Philippe Heurtel Bifrost n°21 01/12/2000
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