Devenu vieux, le chevalier Groëne noie dans le vin le souvenir de son épouse assassinée et chante inlassablement sa complainte, « symbole du malheur qui s'abat sur les innocents ». Un jour, un étranger y ajoute un couplet inconnu : la femme du chevalier aurait survécu le temps de mettre au monde son fils... Les récits centrés sur l'ultime quête d'un héros légendaire vieilli – comme, en littérature, les récents Légende de David Gemmell et Le Loup de Deb de Nicolas Jarry — constituent un sous-genre qui fait pendant au roman d'apprentissage et qui comporte un certain nombre de situations imposées : évocation nostalgique des jeunes années, flashes back dévoilant un passé glorieux ou moins glorieux, retrouvailles des vieux compagnons, difficultés de réhabituer le corps usé aux chevauchées et aux combats, etc. Le scénario de Bertho reprend habilement ces éléments, en y ajoutant plusieurs surprises, dont une curieuse altération de la réalité : les souvenirs de Groëne se modifient au fil du récit, avec pour conséquence « tangible » la disparition d'une vieille cicatrice... Les choses sont-elles ce qu'elles paraissent être ? Le graphisme de Duval possède une densité et une force indéniables, perceptible en particulier dans les huit pages de croquis ajoutées à cette première édition, qui offrent une parfaite illustration du processus de création. On pourrait regretter le manque de finesse des visages, mais les « trognes » des personnages apportent finalement une ambiance plus tourmentée à ce nouvel univers « moyenâgisant ». En fin de compte, bien que située dans un cadre connu, cette nouvelle série intrigue et séduit, tout en laissant présager d'autres surprises.
Pascal Patoz Faeries n°7 01/05/2002
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