Vous avez aimé l'Incal ? Difficile alors d'ignorer Avant l'Incal. Ce premier album revient sur les origines de John, confronté à la mort de sa mère prostituée et à la transformation de son père en cyborg... Lui-même tenté par le suicide, John va tourner la page — d'où le titre au double sens, Adieu le père.
Avant l'Incal reprend la complexité des univers de Jodorowski, et l'on y rencontre tous les personnages clés de l'Incal, de la mouette de béton au Méta-baron. La société est organisée autour d'une fracture sociale absolue, quasi manichéenne, entre les riches aristocrates, identifiés par leurs auréoles, et les peuples miséreux des bas-fonds de la cité, qui croupissent dans la saleté et ne délaissent la drogue et la prostitution que pour un dernier voyage à Suicide allée. L'homme peut avoir évolué vers d'autres formes : des mutants mi-hommes mi-animaux ou des cyborgs bossus dont la composante mécanique aliène la conscience humaine... tandis que quelques robots (ou robfliks) manifestent des émotions bien humaines. La satire sociale et les jeux politiques sont mêlés de mysticisme, mais le tout est assorti d'une bonne dose de dérision qui contribue grandement au plaisir de lecture et qui évite le malaise ressenti à la lecture d'autres séries, comme la Caste des Méta-barons.
Bref, il ne faut pas hésiter à lire Avant l'Incal en complément de l'indispensable Incal.
Si l'on compare cette réédition à la première version de 1988 (titrée Les Deux orphelins), on constate que non seulement les couleurs ont été totalement refaites, mais aussi que de nombreuses planches ont été entièrement redessinées. C'est en particulier le cas de Suicide allée, la première des trois histoires que contient l'album. Cadrage et dessin ont été entièrement revu, seul le texte demeure inchangé. On y gagne très nettement en lisibilité, même si on y perd parfois un peu en caractère. De façon surprenante, l'examen des deux versions permet en outre de s'apercevoir que chaque paire de seins a été pudiquement recouvert d'un vêtement, que les quelques pénis que l'on devinait en 1988 ont disparu et que certaines positions explicitement lascives ont été éliminées. Ce gommage est trop systématique pour ne pas être conscient et cette pudeur nouvelle de 2002 est fort difficile à comprendre... Bizarre, bizarre...
Pascal Patoz nooSFere 01/06/2002
|