Bon, la science-fiction de Jodorowsky ne court pas après la vraisemblance, mais c'en est parfois navrant : quand le vieil Albino parvient à proximité d'une planète qu'il espère idyllique, il n'hésite pas à y débarquer sans aucune précaution les 500 000 jeunes qui l'accompagnent. Evidemment, la planète se révèle mortelle, et cela prouve que les Technopères feraient bien de regarder plus souvent la télévision : ils auraient su qu'en général on envoie d'abord une mission de reconnaissance ! Mais passons, ces sept premières planches se veulent une fable dont le scénariste nous assène la morale en béton : « Une planète verte n'est pas nécessairement un paradis ! Et un agresseur pas forcément mauvais ! » (p.11) Ca, c'est envoyé ! Comme dans tous les derniers albums de Jodorowsky, on est ainsi partagé entre la fascination éprouvée devant la richesse de cet univers très personnel que Jodorowsky ne finit pas de développer depuis l'Incal et l'agacement devant les petites manies de l'auteur, les invraisemblances, le mysticisme tendance new age, le ton pontifiant et le jargon fait de paléo-trucs et de méca-machins... On peut ainsi adorer ou abhorrer, voire passer d'un sentiment à l'autre au fil des pages et des albums. Il n'empêche que les différentes séries dérivées de l'Incal constituent une œuvre monumentale et forte qui ne laisse jamais indifférent — malgré ses défauts et ses égarements. D'autant plus forte que les différents dessinateurs ont su, à la suite de Moebius, enrichir une imagerie puissante et souvent surprenante. Au final, malgré l'agacement, on ne peut s'empêcher de se demander ce que le prochain épisode nous réserve...
Pascal Patoz nooSFere 02/01/2003
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