Quentin Wolff se voit confier la mission d'approcher « l'ecclésiarque » comme l'a fait son père, Manfred Wolff, une vingtaine d'années plus tôt, juste avant de disparaître... Qui est Quentin ? Si nous apprenons d'emblée qu'il n'est pas le véritable fils de Manfred, nous ignorons ses origines, son histoire et les raisons qui le poussent à accepter cette mission malgré son peu d'enthousiasme apparent. De même, nous ignorons qui était au juste ce Manfred Wolff que personne ne semble avoir oublié. Qui est l'ecclésiarque ? On le soupçonne de poursuivre des recherches sur les pouvoirs psy et sur les Néguls, des recherches pourtant interdites depuis la fin de la guerre... Que sont les Néguls ? Ces créatures créées par l'homme seraient quasi indestructibles et auraient pourtant elles aussi disparu depuis la guerre... Mais de quelle guerre parle-t-on ? Ah, ça...
Des questions comme celles-ci, le lecteur aura à s'en poser beaucoup au fur et à mesure de son avancée dans cet univers remarquablement construit par Alexis Nikolavitch : tout amateur de narration lacunaire sera comblé par ce puzzle intrigant et agréablement déroutant dont les pièces ne se mettent en place que pour mieux mettre en valeur l'absence de contours précis et les vides qui demeurent à combler. L'ambiance sombre et la tension des relations entre les personnages apportent une curieuse impression de huis-clos alors que nous passons pourtant d'une planète à l'autre. Il faut dire que le véhicule utilisé pour ce voyage est un vaisseau-bagne et que la planète de l'Ecclésiarque est un monde de moines, plus poussiéreux que verdoyant car incomplètement terraformé : bref, on est loin d'un space opera exotique et coloré.
Les couleurs brunes, ocres ou grises, elles aussi très sombres, renforcent cette sensation d'oppression. Mais elles n'empêchent pas d'admirer le trait de Toni Fejzula qui réussit aussi bien à créer d'imposantes architectures faussement rétro qu'à inventer des vaisseaux spatiaux originaux ou qu'à doter ses personnages de caractères bien affirmés. Ses choix de cadrage et de perspective donnent un relief saisissant à ses images, malgré la relative monochromie d'ensemble.
Central zéro est donc un premier album en tout point remarquable : l'histoire, riche de promesse et de potentiel, s'avère d'emblée captivante, tandis que le graphisme en augmente la tension dramatique et l'intérêt... Une réussite !
Pascal Patoz nooSFere 01/03/2003
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