Algernon Woodcock est un homme étonnamment petit mais à l'esprit remarquablement brillant. A la fin de ses études de médecine, il accompagne son condisciple, William, qui doit remplacer le médecin du petit port d'Oban, en Ecosse. Mais alors que son ami est parti visiter des patients éloignés, Algernon est appelé pour un accouchement inattendu — à seulement six mois de grossesse — chez l'épouse de l'un des plus fameux bourgeois de la ville... Peu après, Algernon ressent une douleur dans son œil droit ; il est rapidement atteint par une fièvre étrange et il s'enfuit...
Si ce bref résumé permet d'avoir une vague idée des prémisses de l'intrigue, il ne traduit pas la principale qualité de l'ouvrage : son ambiance. Pour l'évoquer, on pourrait rappeler celle du Chien des Baskerville : l'amitié des deux personnages principaux, leur découverte d'une lande « déchirée » où semblent rôder « d'inconcevables esprits malfaisants », leur rencontre avec la mystérieuse famille Penduick, l'opposition entre leur esprit plutôt cartésien et une campagne où les guérisseuses font recette... Indéniablement, l'esprit est proche. Pour autant, L'œil-Fé n'est pas une enquête holmesienne. Algernon n'est pas le témoin d'événements étranges, il en est l'acteur et la principale victime. De plus, l'ambiance fantastique débouche ici sur un monde de fantasy où les pies et les lièvres espionnent les humains, où le sort des navires dépendent de la flamme d'une bougie et où les légendes semblent prendre vie.
En deux parties, le récit forme une histoire complète, qui peut être lue indépendamment, même si elle est le prélude à d'autres aventures puisque la série est annoncée en huit tomes. Dès le premier album, les auteurs laissent suffisamment d'indices pour que le lecteur appréhende le dénouement, surtout s'il est un amateur des contes d'Andersen, mais le plaisir de lecture du deuxième tome n'en est pas diminué, au contraire. Aussi bien la narration, irréprochable, que le dessin de Sorel, comme toujours superbe, notamment par ses jeux de clair-obscur, permettent de classer d'emblée ce diptyque parmi les chefs-d'œuvre de la bande dessinée. Un chef d'œuvre que ne doivent pas manquer les amateurs de fantastique et de fantasy.
Pascal Patoz nooSFere 28/07/2003
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