Le seigneur d'Ombre, Fedath, renferme en lui bien plus de noirceur de violence, de vilenie qu'un être n'est en droit d'en contenir, il est l'incarnation d'un grand déséquilibre. Si sa profonde malignité continue à croître, les royaumes du Dyfed seront tôt ou tard la proie du chaos, au mépris de l'ordre.

     La poésie de la vie deviendra alors un chant strident dénué d'harmonie. Et entre-toi bien cela dans le crâne, jeune elfe : on ne peut dissoudre le mal, mais on peut tuer le seigneur d'Ombre !

     Au commencement, Hafgan, le dieu créateur, errait seul sur les vastes terres du Dyfed. Grâce aux chants d'Atanys, la Pierre de Vie, il créa d'abord les elfes, puis les hommes, puis les nains et pour finir les lutins. Mais lorsque Hafgan tomba amoureux d'une elfe et que celle-ci le dédaigna, Hafgan devint haineux et forgea une elfe noire, Ethfang, dont il eu un fils, Fedath le méphitique. Ethfang vola la pierre sacrée et créa à son tour les orcs, les bannsheens, les gobelins et les trolls. Mais les anciens peuples vainquirent les forces du mal et réussirent à détruire Atanys.

     Bien des siècles plus tard, Fedath, le Seigneur d'Ombre, est de retour. Seule Atanys pourrait l'anéantir, mais il faudrait pour cela pouvoir reconstituer la pierre autrefois détruite...

     Ce résumé permettra au lecteur bien informé de classer cette série dans la High Fantasy, c'est-à-dire dans la droite ligne du Seigneur des anneaux. Peuples magiques et créatures fantastiques, quête ultime et combats épiques, opposition absolue entre les forces du bien et celles du mal, rien ne manque... La principale différence réside dans l'enjeu de la quête : l'anneau du Seigneur devait être détruit, tandis qu'ici la pierre doit être reconstituée...

     Ce n'est donc pas pour y chercher de l'originalité qu'on lira ce genre d'histoires. Les amateurs du genre recherchent sans doute davantage la qualité de création d'une nouvelle cosmogonie, le soin apporté à dépeindre l'univers qui en résulte et les nombreux détails ajoutés aux biographies des personnages ou aux descriptions des créatures qui peuplent ces mondes. La notion de « saga » prend alors toute sa valeur et, de ce côté, le scénario d'Istin se montre convaincant : l'épopée a un souffle certain tandis que les décors sont grandioses...

     Des décors qui sont bien servis par le graphisme de Dim.D, entièrement réalisé à l'ordinateur. Le résultat est impressionnant, parfois surprenant, avec toutefois cette petite touche de « froideur » et de raideur que l'on retrouve ailleurs dans ce genre de dessin sur ordinateur. Mais ici cette touche ne nuit pas vraiment au récit, elle renforce même son statut de légende et de vaste fresque épique.

     Bref, les amateurs de High Fantasy devraient sans nul doute trouver leur bonheur dans cette nouvelle série qui ne démérite pas face au grand ancêtre qu'est Le Seigneur des anneaux. Les autres — dont je suis — apprécieront transitoirement le spectacle tout en s'ennuyant un peu, avant d'oublier l'histoire dès la dernière page tournée.