A la mort de son père, Théo a dû s'occuper de sa mère et entrer tout jeune dans la vie active. Il n'a donc pas suivi d'études, mais travaille la nuit chez un antipathique boulanger. Du coup, à vingt ans, Théo est désabusé et n'a guère de foi dans la société moderne. Son seul passe-temps, ce sont les livres qu'il peut récupérer chez un brocanteur du coin, en échange de quelques coups de main. C'est ainsi qu'il entre parfois en possession d'ouvrages bizarres, comme ce livre de magie noire qui donne plein de recettes pour obtenir tout et n'importe quoi. Sans trop savoir pourquoi, Théo décide d'essayer le charme de chance... Certes la recette fait appel à des ingrédients peu courants, comme la peau d'un basilic écorché vif ou le sang d'un balbuzard... Qu'importe, il suffit d'adapter avec des éléments de substitution : avec un brin d'imagination, ça devrait passer... Et ça passe ! Théo devient plus que chanceux au jeu, tandis que pour l'amour, il lui suffit d'invoquer un succube (qui apparaît sous les traits d'une magnifique femme nue, mais qui bénéficie curieusement de vêtements sur la couverture). Alors, pourquoi Théo se suicide-t-il dès les premières pages, avant le retour en arrière qui va nous conter son histoire ?
L'argument est simple mais astucieux. Les exemples de Faust ou de Dorian Gray devraient avoir appris à Théo — un nom pour le moins « divin » — qu'on ne peut jamais bénéficier de services diaboliques sans en payer le prix. Reste à savoir quel est ce prix. Vu son amertume, liée entre autres à son statut social et au peu de succès qu'il rencontre auprès de la gent féminine, Théo est évidemment prêt à prendre tous les risques... Son suicide initial laisse présumer qu'il va déclencher la colère divine du titre de la série et on peut regretter que ce dénouement soit d'emblée révélé. En apprenant dès le début que l'expérience va mal tourner — à moins d'un retournement de situation — , le lecteur devient moins sensible au suspense.
Le dessin réaliste et sobre, sans effets, distille un climat lourd et sombre, renforcé par des couleurs aux dominantes vertes et mauves assez glauques. Il contribue grandement à planter le décor inquiétant de cette fable fantastique qui se montre plutôt intéressante pour l'instant, d'autant plus qu'elle ne manque pas d'une certaine fantaisie — par exemple, l'adaptation des ingrédients se montre assez farfelue : pour croire que le sort va marcher, on doit admettre que c'est sans doute l'intention qui compte. A suivre...
Pascal Patoz nooSFere 15/07/2003
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