Suprême est un super-héros on ne peut plus traditionnel. C'est même l'archétype du super-héros dans toute sa splendeur. Son nom lui-même est très proche de celui de Superman et les points communs entre ces deux personnages sont nombreux. Oui mais attention ! Suprême est un album scénarisé par Alan Moore... et cela change tout !
L'histoire débute lorsque Suprême, partiellement amnésique, rentre sur Terre après un long exil dans l'espace. Il découvre alors une Terre dédoublée, où les personnages semblent basculer d'un état dans un autre... En fait, il tombe en pleine « redéfinition ». C'est-à-dire en plein « relookage » d'un comics devenu un peu désuet. Le Suprême qu'il est à ce moment précis est celui des années 1990, et il va faire la connaissance de tous les autres Suprême, depuis son apparition dans les années 1920. Tous ces Suprême — y compris les versions parodiques, comme la version Souris géante en costume de Suprême — font partie de lui mais se distinguent par l'évolution du graphisme, des techniques d'impression, du design des costumes. A la recherche de ses souvenirs, le Suprême de 1990 va mener l'enquête et se remémorer tous les épisodes marquants de sa carrière : sa mutation initiale, ses divers ennemis, son alliance avec des ligues de super-héros, ses robots et sa forteresse orbitale, ses doubles maléfiques ou inversés, les femmes qu'il a aimées, etc. Ce sera pour nous l'occasion de découvrir ces différents épisodes dessinés et présentés à la manière des comics des années où sont censées se dérouler ces aventures. Les pastiches sont si parfaits qu'on a l'impression d'une mauvaise qualité d'impression pour les épisodes les plus anciens, voire même d'une différence de la qualité du papier — pure illusion bien sûr.
Chacun de ces épisodes, quelle que soit l'époque, est l'occasion de commentaires ironiques, de clins d'œil, de mises en abyme, et même d'autodérision — Moore se moquant par exemple des scénaristes anglais. Mais la parodie est d'autant plus savoureuse qu'elle est le fait d'un grand connaisseur et d'un grand amateur de comics. Il ne s'agit pas d'une satire facile et vulgaire, qui se contenterait de ridiculiser les aspects outranciers des comics. Au contraire, Suprême témoigne d'un grand respect et d'une grande tendresse envers le genre, même sans être dupe de ses aspects les plus critiquables, comme son patriotisme aveugle indissociable d'une xénophobie inavouée — voir l'épisode ou Super-Patriote tue d'affreux aliens avant de s'apercevoir que ce sont des humains mutants rescapés d'une catastrophe nucléaire. Enfin, au-delà de l'aspect satirique, la narration experte joue avec des boucles temporelles intriquées qui permettent au récit de se conclure sur une brillante apothéose.
Bref, même si on n'est pas un fan de comics, voilà un album absolument grandiose !
Pascal Patoz nooSFere 01/12/2003
De retour après une longue absence, le super-héros Suprême est amnésique et doit découvrir qui il est... Voici un comics authentique, mais surtout un véritable hommage au genre truffé de clins d'œil. Moore crée un « super-Superman » et ses avatars (Suprema, Suprême Kid), reprend les codes du genre (super-vilains, cross-overs avec d'autres héros inventés pour l'occasion), mais aussi les démonte et les remonte à sa guise pour s'en jouer respectueusement. L'histoire est pleine de tiroirs, de jeux de miroir (dans le civil, Suprême n'est pas journaliste, mais dessinateur de comics !) et de flash-backs ; le dessin, classieux ou naïf, s'adapte alors à l'époque du récit. Un incroyable monument de 320 pages, passionnant, intelligent et drôle. (Note : Oulà ! ! Yamaxibon, çà !)
Philippe Heurtel Bifrost n°33 01/01/2004 Mise en ligne le 26/09/2005
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