Une expédition polaire recueille un homme échoué sur un iceberg. « Cet homme était marqué par une souffrance morale qui semblait le terrasser », note le capitaine de l'équipage. Il connaîtra bientôt les spectres qui hantent l'existence du docteur Frankenstein... Le classique de la littérature fantastique reprend ici des couleurs. On l'avait rangé au rayon des vénérables vieilleries : cet album fait redécouvrir son potentiel d'horreur et de tragédie. Denis Deprez a soumis le mythe à un traitement vigoureux. Amateurs exclusifs de la ligne claire, fuyez ! C'est à une expérience picturale que nous sommes conviés ici. Dans les 20 premières pages Denis Deprez explore l'univers graphique ouvert par Lorenzo Mattoti : présence massive du noir qui fait éclater les couleurs, des formes simples et anguleuses, des cadrages expressifs. Le récit est alors encore relativement ancré dans le réel. Puis il devient de plus en plus onirique, et nous avons 40 pages de cauchemar plongées dans les ombres de Francis Bacon, visages brouillés et tons blêmes, traversées ça et là par quelques rayons de lumière impressionnistes qui rendent la tragédie encore plus poisseuse.Le récit pâtit de cette virtuosité graphique. Comme si Denis Deprez n'avait retenu dans l'histoire que les séquences qui l'intéressaient d'illustrer. La narration est très elliptique, très allusive : à la limite il ne faudrait conseiller cet album qu'à ceux qui connaissent déjà le texte, à tout le moins une adaptation fidèle. Les autres passeront sans doute à côté de la beauté de la chose.Un album pour happy few, donc. Mais ceux-là s'en souviendront longtemps !
Sylvain Fontaine nooSFere 01/10/2003
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