L'époux de Roxalane a été tué et son fils enlevé. Ce dernier serait cet enfant-roi que les dieux fous de la réalité d'en-bas souhaitent utiliser pour reprendre le contrôle de notre monde. Roxalane n'a plus qu'une idée en tête : se venger et arracher son fils au ventre du Nécrocanorom où il demeure prisonnier. Pour cela, elle devra aller jusqu'en Orient, vers les Portes d'Onyx, accompagnée par quatre chevaliers — dont un mystérieux « Masque » — , sous la protection d'un enchanteur et d'une armure magique...
Mettons les choses au point tout de suite : le récit sert avant tout à dénuder la belle Roxalane le plus souvent possible. Tous les prétextes sont bons pour lui faire quitter son armure protectrice et la voir se promener et se battre en tenue d'Eve, ou pour la jeter dans les bras d'un compagnon, voire d'une compagne aux formes aussi généreuses qu'elle. Si vous êtes de ceux qui voyez dans cette représentation érotique du corps féminin une caricature dégradante et avilissante, qui dénoncez l'image racoleuse de la femme-objet et qui hurlez avec les « chiennes de garde », inutile d'aller plus loin : Roxalane vous donnera sans doute une violente poussée d'urticaire...
Pourtant, on peut sans doute relativiser. Tout d'abord, Roxalane n'est certainement pas une femme-objet. Elle est au contraire une femme-guerrière clairement dominatrice mais qui parvient toutefois à concilier la force de caractère et sa propre violence à son image de douce féminité et de maternité aimante. Notons que l'objet de sa quête est son fils et que le fait de sauver le monde par la même occasion n'est pour elle que très accessoire, à la différence de beaucoup de héros de fantasy. De plus, il n'y a pas de vulgarité ni de pornographie dans Roxalane — à mes yeux du moins, la frontière entre érotisme et pornographie étant à géométrie variable selon les individus. En exagérant jusqu'à l'improbable la nudité de leur héroïne, les auteurs commencent par heurter la vraisemblance, mais l'onirisme de l'ensemble ainsi que d'autres symboles sexuels comme le ventre/matrice du Nécrocanorom, permettent une lecture psychanalytique — avec même un oedipe consommé — qui donne à la nudité envahissante de Roxalane une autre dimension. Bref, l'utilisation du corps féminin ne me paraît pas être ici purement racoleur mais offrir un discours parallèle au récit principal. Elle est d'ailleurs finalement beaucoup moins hypocrite que celle des nombreux albums où une héroïne à forte poitrine ne figure qu'en couverture, sans doute dans le seul but de favoriser les ventes.
Si l'on fait abstraction de cette nudité — même si les auteurs ont tout fait pour que cela soit difficile — l'histoire de Roxalane tient-elle la route ? La réponse est oui. Elle demeure même plutôt originale, notamment grâce à la figure du Nécrocanorom. Certains aspects sont vite expédiés : l'enchanteur n'est qu'un moyen commode de précipiter l'action mais son rôle demeure mineur, tandis que le méchant lui-même, Azarkabath, ne semble être qu'une coquille vide, une monstrueuse armure animée d'une volonté propre. En revanche, le contexte historique des Croisades en Orient et la confrontation au savoir des Arabes apporte un élément d'exotisme très agréable, en parallèle avec l'aspect onirique que prend peu à peu la quête. Quant au dénouement, il s'avère assez curieux puisque la quête est à la fois une réussite et un échec, le Sylvain retrouvé n'étant plus celui que Roxalane souhaitait...
A condition que le lecteur ne soit pas heurté par la nudité omniprésente de la femme-guerrière, cette intégrale permettra de redécouvrir ces quatre tomes parus entre 1988 et 1991, bien plus intéressants qu'un examen superficiel ne le laisse prévoir.
Pascal Patoz nooSFere 10/01/2004
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